© BELGA

Belgique – Mexique : la tête dans l’eau tiède

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Analyse du match nul entre les Diables rouges et les Mexicains.

C’est sans doute ça, l’énergie verte. Un sifflet retentit sur la pelouse du stade roi Baudouin, et les Mexicains y répondent tellement vite qu’ils mériteraient une invitation au Mémorial Van Damme. Les hommes de Juan Carlos Osorio jouent comme si le match ne devait durer que nonante secondes. Une façon de répondre aux doutes d’un public belge capricieux, mécontent de ne pas se frotter au cercle fermé des grandes nations du globe.

Le Mexique n’en fait-il pas partie ? Sa biographie recense six huitièmes de finale de Coupe du monde consécutifs, série lancée en 1994. Seuls le Brésil et l’Allemagne font mieux. Histoire de ne pas passer pour un géant de poussière, El Tri présente son ambition au présent. Chicharito emmène un pressing bourré d’oxygène, Andrés Guardado dirige la possession avec l’élégance omniprésente d’un milieu espagnol, et Guillermo Ochoa se joint à ses défenseurs pour faire rouler le ballon et annuler le pressing désordonné des Diables. Les invités du soir écrasent le ballon pendant la première demi-heure, conclue avec 62% de possession de balle. La Belgique cherche son second souffle, parce que le Mexique lui a directement confisqué son système respiratoire.

Privée de certitudes, parce que campée devant une défense inédite, l’équipe de Roberto Martinez cherche ses repères. La prudence de Thomas Meunier et de Nacer Chadli transforme le jeu belge en un 5-3-1-1 qui empêche toute possibilité de récupérer le ballon dans le camp adverse. L’audace identitaire de Yannick Carrasco manque cruellement à une Belgique frileuse. Malgré la gourmandise de Romelu Lukaku, dont les bras appellent sans cesse son équipe à jouer dix mètres plus haut, et l’aide d’Eden Hazard et Kevin De Bruyne, les efforts sont inutiles. La défense mexicaine s’écarte, Diego Reyes envoie de fausses pistes au milieu, et la relance en 2-4-1-3 termine systématiquement sa course dans les pieds de Guardado, géomètre visiteur, dont le pied gauche est chargé d’amener le football des siens de l’autre côté de la ligne médiane.

Les risques du jeu de Chicharito et les solos de haute voltige d’Hirving Lozano apportent leur lot de pertes de balle, mais la sphère ne reste jamais loin des pieds mexicains, rassemblés en nombre dans le camp belge. En manque de personnalité et/ou de qualité, la défense nationale ne parvient pas à sortir proprement. Agressé, Axel Witsel affiche les limites de son football de monsieur Propre, et la présence de Youri Tielemans à ses côtés n’est pas plus rassurante pour gagner des mètres sans perdre la balle.

EDEN CONTRE LA NOYADE

La Belgique a besoin de son capitaine. D’un brassard pour éviter la noyade. Eden Hazard joue les maîtres-nageurs, et sort la tête nationale de l’eau. Le numéro 10 descend jusqu’à trente mètres de son but, prend le ballon, et slalome entre les Mexicains à la vitesse de Lewis Hamilton dans une chicane. La supériorité éclabousse la pelouse. Eden en met partout, éparpille le pressing latin et invite son pays de plus en plus près du but de Memo Ochoa.

Le solo d’Hazard va crescendo. D’abord un corner provoqué (et joué à deux dans la foulée, constante belge de la soirée), ensuite une position de centre offerte à un Meunier peu inspiré, et enfin un but, plein d’opportunisme pour pousser au fond un ballon d’abord confié aux pieds de plus en plus sûrs de Lukaku.

Installé à la manoeuvre théorique, sur le tableau noir-jaune-rouge, De Bruyne s’incline, laisse les clés à son capitaine et oublie son football mancunien pour redevenir le KDB version Wolfsburg. Un attaquant qui prend la profondeur et met un pied dans la plupart des occasions des siens. Sur les sept tirs belges de la première période, quatre sont griffés par De Bruyne (deux tirs, deux passes-clés), qui voit le poteau le priver d’un but après un duel audacieusement remporté par Dedryck Boyata et une passe inspirée de Lukaku.

ÉTAT D’URGENCE EN DÉFENSE

Le marquoir ment-il ? La Belgique souffre, mais le Mexique n’a pas d’occasions, jusqu’aux doutes du plan diabolique. Alors qu’elle acceptait de subir, l’équipe de Roberto Martinez semble vouloir prendre les choses en mains. Tielemans s’ajoute au pressing, mais sa présence ne suffit pas face aux six Mexicains impliqués à la relance. Les visiteurs se libèrent, et profitent d’un jeu belge plongé dans l’eau tiède pour lancer des coups de poignards dans le dos d’une défense avancée sans être protégée.

Chadli, Vermaelen, Meunier et Ciman prennent des courants d’air dans les couloirs, et sont frappés par les virus Herrera et Lozano. Le dénommé Général de Montréal est particulièrement dégradé par le joyau du PSV, et sa soirée ressemble à celle du lapin blanc du Pays des Merveilles. En retard sur Chicharito, qu’il accroche grossièrement pour concéder le penalty égalisateur. Puis en retard sur Lozano, qui inscrit un doublé de prestige sur sa carte de visite, posée sur les tables les plus brillantes du continent.

Assis au milieu des courants d’air, Boyata parvient à éviter l’épidémie. Le défenseur du Celtic montre les muscles à l’anticipation, éteint quelques feux follets dans l’incendie qui l’encercle en permanence, et assume autant que possible le leadership délaissé par un Vermaelen trop concentré sur son football pour penser à celui des autres. Au risque d’être, une nouvelle fois, le pays du paradoxe, la Belgique s’est peut-être trouvé une véritable option défensive dans un match conclu avec trois buts encaissés.

LA ROUTE DU ROM’

Face au pressing mexicain, la Belgique survit à l’anglaise. Thibaut Courtois et Romelu Lukaku appliquent les préceptes de la Premier League, définis voici quelques années par Rafael Benitez : « Là-bas, si tu veux presser, ils balancent le ballon vers le rectangle pour jouer le deuxième ballon, et ils t’ont démonté. » Le gardien des Blues emprunte la Route One, et envoie chaque balle qu’il touche vers les muscles de Lukaku, pour désamorcer le pressing mexicain. Vu que ce scénario n’est pas le plus sûr pour conserver le ballon, et que De Bruyne n’est plus là pour faire parler sa maîtrise du rythme britannique, le match fait des allers-retours, et illumine Mousa Dembélé, monté à la mi-temps pour dribbler les sprints défensifs adverses.

Moins spectaculaire, mais tout aussi efficace, Dries Mertens ressuscite Meunier et fait subir à la défense latine ce que Lozano inflige à la belge. Le Napolitain offre deux passes décisives à Lukaku, qui domine outrageusement Ochoa dans son petit rectangle pour atteindre la barre mythique des trente buts chez les Diables et allonger la série nationale de matches sans défaite. Qui d’autre que l’attaquant de Premier League par excellence pour régner sur ce scénario venu des Iles ?

Éloigné des projecteurs par le spectacle permanent des pieds d’Eden Hazard, Romeluétale son registre en fin de match, quand il aligne dribbles, décrochages et caviars au milieu de lignes étirées et de jambes fatiguées. Avec quatre tirs et deux occasions créées, il est le Diable le plus entreprenant de la soirée, impliqué directement dans la moitié des frappes nationales. Sur la route belge vers les filets adverses, cap’taine Eden est au volant, mais tous les chemins mènent au Rom’.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire