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B(r)icolages à Zulte Waregem: la face cachée du Essevee

Le grand patron de Zulte Waregem et l’agent John Bico marchent main dans la main et on ne compte plus les dégâts collatéraux.

Waregem, vendredi dernier. Douze heures après l’annonce par le club que Thorgan Hazard prenait le brassard à Davy De Fauw, Francky Dury brosse la conférence de presse hebdomadaire et le vice-capitaine Karel D’Haene confirme le mécontentement des joueurs à propos de ce changement de capitaine. Si Hazard a obtenu le brassard, c’est à la demande de son agent, John Bico, qui estime le chiffon, associé au numéro 10 et à une position centrale dans le jeu, nécessaire pour convaincre Chelsea de le laisser un an de plus au Gaverbeek.

Foutaises, selon ceux qui connaissent le club londonien: il ne s’intéresse pas à pareilles bêtises. Ces conditions ont été négociées entre Bico et Decuyper. Le communiqué officiel explique naïvement que c’est  » positif pour l’évolution de Hazard.  » D’Haene nuance :  » Surtout pour le portefeuille de Bico…  » L’incident illustre une fois de plus les tensions qui divisent le CEO et son coach : selon Decuyper, Dury avait accepté. Le vestiaire affirme que non. Le rôle central oui, mais le numéro dix ? Si Franck Berrier part. Le brassard ? Il en aurait discuté en temps voulu avec son capitaine. Pour Decuyper, la réponse était trois fois oui.

Quand Hazard, après deux petites semaines d’entraînement, est titularisé contre le Lierse, la masse imposante de Bico écume : De Fauw porte toujours le brassard. L’agent menace : si son joueur n’est pas capitaine quelques jours plus tard au PSV, Hazard s’en va. Voilà Dury obligé d’annoncer la nouvelle à ses joueurs la veille d’un gros match européen. Il tranquillise De Fauw, abattu : c’est bien lui qui sera capitaine le soir. Le mal est fait et la mauvaise prestation qui suit n’est pas illogique.

Courageux Hazard

Deux jours plus tard, De Fauw et D’Haene retrouvent Decuyper et Bico. De Fauw a le choix : céder le brassard ou entraîner tous les autres dans un boycott, ce que préconise Mbaye Leye. Dos au mur, le jeudi soir, De Fauw prévient ses coéquipiers par sms.

La bombe éclate le vendredi soir. Decuyper est en rage en découvrant que quelqu’un a dévoilé le mécontentement du groupe à notre magazine. Il accuse son entraîneur devant témoins. Les joueurs sont toujours furieux, à cause de l’affaire du brassard comme d’avoir été placés devant le fait accompli.

L’affaire prend une nouvelle tournure le samedi : contre Courtrai, c’est Davy De Fauw qui est capitaine. Avant le match, Hazard, qui s’est entretenu avec De Fauw puis avec Dury, s’adresse au groupe : il ne veut pas du brassard. Il déclare qu’il va lui-même en informer son manager. Quand on lui demande l’influence de Bico sur sa décision, il répond :  » C’est moi qui décide.  » Il s’exécute.

Le noyau s’interroge quant à la puissance de Bico.  » Apparemment, il s’entend très bien avec Decuyper mais nous ignorons ce qui se trame à ce niveau.  » Depuis janvier, tous les nouveaux joueurs (Frédéric Duplus, Danilo Sarkic, Julien Toudic), ceux qui ont été reloués (Mansour Diop, Elhadji Ndoye) et ceux qui ont raté leur test (Frédéric Sammaritano, Loïc Damour, Ilias Maatoug) font partie du portefeuille de John Bico ou de son ami Mogi Bayat. Ils n’ont même pas été visionnés.

Prenons le Français Duplus, qui a débarqué de Sochaux en juin comme doublure de … De Fauw, à l’insu de Dury. Ce n’est pas un hasard : Decuyper ne voue aucune estime à son capitaine. Duplus s’intègre mieux dans la vision de Bico, selon les insiders. La saga du brassard est liée au transfert de Duplus : en écartant De Fauw et en refusant de prolonger son contrat, on le pousse vers la porte, pour faire de la place au Français de l’écurie Bico.

Les  » perles  » sénégalaises

Decuyper, Bico et Bayat sont complices. On a aperçu le trio au restaurant, plusieurs fois par semaine, depuis des mois. C’est là que se dessine l’avenir de Zulte Waregem. Les autres managers ne franchissent même pas le cap de la messagerie du CEO. L’affaire commence durant l’hiver 2012 quand Decuyper fait la connaissance de Big John. C’est le coup de foudre. Fin janvier, le premier bébé est là : Chahir Belghazouani, qui signe un contrat de six mois avec option mais reçoit peu de temps de jeu et part au terme de la saison.

Decuyper, impressionné par les connexions du manager de Guinée-Bissau, le pays où il est aussi domicilié, continue à lui faire confiance. Bico, agent des frères Hazard, a aussi découvert Franck Ribéry, mais leur relation s’est achevée sur un divorce en lors du transfert du Français de Galatasaray à Marseille.

En été 2012, Bico et Chelsea acceptent la location de Thorgan Hazard à Zulte Waregem. Les contacts entre le CEO et Bico s’intensifient. Decuyper est invité à Chelsea, il accompagne aussi Bico à Dakar où il visite une école de football et repère deux Sénégalais : Elhadji Ndoye (20 ans) et Mansour Diop (23). Il les embauche jusqu’en 2015 mais ils ne parviennent pas à convaincre Dury pendant le stage hivernal à Marbella. Ils sont loués au FC Brussels le dernier jour du mercato.

Bico à Ostende

Fin mai, on réalise que Decuyper et Bico ont parlé de bien d’autres choses pendant leurs dîners. Après avoir déchiré le fameux contrat de vente sur papier-toilette, Decuyper promet au président d’Ostende, Yves Lejaeghere, de l’aider à chercher un repreneur. Ils se revoient à une reprise, une semaine plus tard. Decuyper propose une rencontre avec John Bico, ce dont ne veut pas entendre parler Lejaeghere, compte tenu des péripéties qui ont secoué le Brussels et le White Star. Pendant ce temps, Anvers, qui a longuement négocié au sujet du matricule de Zulte, avance un nouveau candidat à un déménagement au Kiel : le White Star Woluwe/Bruxelles…

L’interrelation de Decuyper avec le réseau de Bico est limpide, même si elle coûte actuellement moins cher à Waregem que quand le CEO s’était laissé embobiner en 2001 par le manager Vlado Lemic. L’aventure avait provoqué un fameux trou dans les caisses de Waregem. Parmi les pires échecs, l’arrivée d’un directeur technique incapable mais très cher (Hans Gillhaus) et de trois ados des Balkans, parmi lesquels Aleksandr Trajkovski, dont le retour sur investissement a été faible. Les poulains de Bico, eux, sont libres de transfert et ont obtenu un contrat limité.  » En calculant le prix de ces petits poissons et ce que sa relation avec Bico lui rapporte, sans parler de ce qu’elle peut lui rapporter à l’avenir, il n’a plus hésité « , confie un insider.

C’est sans fin : depuis que Zulte Waregem a été vice-champion de Belgique, Decuyper ne cesse de défrayer la chronique. En l’espace de quelques mois, il a parié et perdu avec Junior Malanda, il a commandé prématurément le camion de déménagement pour Anvers, il a frayé avec Ostende et a mué un brassard en affaire d’état.

Coupable négligence

Malanda, qui a repris l’entraînement à Zulte Waregem en tout début d’été, claque la porte. Neuf jours plus tard, il se pointe à Roulers, un club dans lequel Didier Frenay est très impliqué. Le père d’Ilombe Mboyo l’a mis en contact avec le manager. Frenay l’autorise à s’entraîner et même à disputer quelques matchs amicaux.

La semaine dernière, l’affaire Malanda connaît un dénouement surprenant: il signe pour cinq ans à Wolsburg mais est loué à son ancien club pour un semestre au moins. Sur le parking du stade du PSV, Francky Dury et le joueur s’enlacent. Les Allemands, auxquels Frenay a déjà placé Ivan Perisic en janvier dernier, auraient déboursé 2,2 millions, dont la moitié environ revient à Zulte Waregem. C’est moins que ce qu’espérait Decuyper en janvier. Dans cette affaire, le CEO a été complètement dépendant du bon vouloir de Frenay.

Par Jonas Créteur et Jan Hauspie

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