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« Après ma grave blessure, on s’est soucié de moi comme d’une guigne »

En juillet, plus de 300 footballeurs ont entamé le championnat de Belgique, chacun avec ses espoirs, ses rêves, ses ambitions, son histoire. Une fois par mois, le Footballeur Secret dévoile les coulisses de notre compétition à Sport/Foot Magazine.

« Je parle par expérience quand je dis qu’une blessure grave fait partie des risques du métier. Je me rappelle très bien ma blessure horrible. Elle est survenue sur un contre, en deuxième mi-temps. Je poussais le ballon devant moi et quand j’ai voulu accélérer, j’ai senti quelque chose craquer dans ma jambe. J’ai immédiatement compris que mon match était terminé. J’ai demandé mon remplacement et je me suis allongé mais comme j’étais encore capable de marcher, j’ai refusé d’être évacué en brancard. Mon orgueil a pris le pas sur le reste.

Le moment le plus bizarre allait venir ensuite : l’entraîneur m’a complètement ignoré quand je suis passé devant lui pour rejoindre le vestiaire. Je pensais qu’il me taperait sur l’épaule mais il ne m’a même pas regardé. Il est resté tourné vers le terrain. Il n’est pas venu me trouver après le match non plus. Il s’est simplement informé auprès d’un membre du staff technique sur la nature de ma blessure.  »

Derrière mon dos

 » Le kiné et le médecin étaient certains qu’il s’agissait d’une fracture mais ils ne savaient pas si mon tendon était partiellement ou complètement déchiré. D’après le premier diagnostic, ma revalidation allait prendre quelques mois. J’aurais pu pleurer, râler, taper du poing sur la table mais je suis resté calme. J’ai entendu le médecin et le kiné chuchoter derrière mon dos :  » Il ne réalise pas ce qui l’attend.  » Ils me trouvaient sans doute trop calme. Mais je ne suis pas vite impressionné.

Je n’irai pas jusqu’à dire que ma blessure a provoqué une onde de choc dans le vestiaire mais mes coéquipiers étaient quand même marqués. Huit ou neuf d’entre eux, parmi lesquels les deux vice-capitaines, m’ont envoyé un message de soutien. Le capitaine ne s’est pas manifesté. Soit, je m’y attendais car nous ne sommes pas copains. Il n’empêche : demander mon numéro et m’envoyer un sms ne requiert pas de gros efforts. Le coach aurait peut-être dû nous fournir la liste de tous les numéros des joueurs en début de saison.  »

Un club muet

 » J’ai prévenu ma clique quand j’ai su que je devrais être opéré. Trois joueurs sont venus me rendre visite à l’hôpital et quelques membres du staff médical m’ont envoyé un sms. Mais le club lui-même est resté muet. Je n’ai eu de nouvelles de personne : ni de l’entraîneur, ni du directeur sportif ni du président. Lui, je le comprends. Il n’a sans doute pas mes coordonnées. Etait-il même au courant de ma blessure ? (Rires) Mais on peut s’attendre à ce que le directeur sportif s’intéresse aux joueurs qu’il a personnellement embauchés. Il est un peu étranger au monde.

Quelques jours après mon opération, je suis revenu au club, pour régler certaines choses. Je me déplaçais à béquilles et je portais une attelle. Bref, je ne passais pas inaperçu. Il m’a donc certainement remarqué mais pourtant, il est passé comme si de rien n’était… C’est sans doute le silence de l’entraîneur qui m’a le plus déçu. D’accord, il n’est pas précisément un people manager mais j’attendais quand même un petit geste. L’entraîneur est normalement le lien entre les joueurs. Peut-être n’étais-je pas assez important à ses yeux. Vous voyez : dans notre monde, c’est chacun pour soi.  »

Pendant ma revalidation, j’ai pris mes distances physiques par rapport au vestiaire. Délibérément. Je n’ai pas assisté aux matches, partiellement parce que je ne pouvais pas conduire. Mais j’interrogeais mes coéquipiers.  » Comment le match s’est-il déroulé ? Qu’avez-vous fait à l’entraînement ?  » Se montrer de temps en temps ne fait pas de mal car on est vite oublié mais j’ai décidé de ne pas passer tous les jours. Je n’avais pas envie de faire les trajets pendant des mois pour des exercices que je pouvais tout aussi bien faire à mon aise à la maison.  »

Revalidation chez Maesschalck

 » Le club m’a autorisé à effectuer ma revalidation chez Lieven Maesschalck. On m’avait dit qu’il déléguait beaucoup à ses assistants et qu’il ne s’occupait personnellement que des stars. C’est exact. Il ne me connaissait même pas. Il pratique des tarifs élevés : 50 euros la séance. Pour un sportif professionnel, ça va mais la note monte vite. D’ailleurs, je devais payer moi-même la revalidation chez Maesschalck. Ou plutôt mon assureur, une compagnie renommée. Une connaissance y travaille et m’a vendu une assurance complète il y a des années : soins dentaires, hospitalisation, etc. Un footballeur gagne bien sa vie mais si je peux épargner quelques centaines d’euros par an, je n’hésite pas.

Je n’ai eu de nouvelles de personne : ni de l’entraîneur, ni du directeur sportif, ni du président.

Mes journées de moins-valide se déroulaient différemment de ce à quoi j’étais habitué. Lever à neuf heures, petit-déjeuner à l’aise, PlayStation, copains… En fait, je préfère les séries TV mais pour l’occasion, j’ai emprunté la PlayStation d’un copain. Parfois, je jouais jusqu’à trois heures du matin. Quatre jours sur sept. Calculez le manque de sommeil que ça m’a fait. Le week-end, je m’intéressais surtout aux paris sportifs. Avec le compte de mon frère…

Je l’ai déjà dit : il en faut beaucoup pour m’abattre. Je n’ai pas eu de passage à vide. Cette première grave blessure était une sorte de test pour moi, un petit défi. J’avais vu des coéquipiers revenir plus forts de blessure et c’était à mon tour. Un footballeur doit passer par là durant sa carrière. Parfois, le football me manquait terriblement, surtout quand mon équipe avait gagné. Une longue absence engendre deux gros soucis : les primes perdues et le statut qu’on a dans l’équipe.

Game of thrones

De ce point de vue, le club ne m’a pas rassuré. Il ne m’a pas dit :  » Prends ton temps pour revenir, nous comptons sur toi pour la saison prochaine.  » Je constate que ma blessure ne l’a pas tracassé. Pour certaines équipes, le forfait d’un joueur constitue une catastrophe nationale. Prenez Lokeren. C’est la panique quand Killian Overmeire a une égratignure. Les supporters ont apparemment juré fidélité éternelle à leur capitaine. Notez que je ne veux pas me comparer à lui. Dans le stade, il y a une photo grandeur nature de lui, posant avec Jan Koller, en personnages de Game of Thrones. Combien de joueurs peuvent en dire autant ? ‘

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