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 » J’ai un caractère de con et je l’assume « 

Le milieu de terrain français revient pour la première fois en long et en large sur ses années en rouche, ses différents clashs et le respect qu’il voue à Anderlecht.

Adrien Trebel n’était pas titulaire face à Ostende le week-end dernier. Et pourtant, quelques jours plus tôt, le milieu de terrain français débarque en salle de presse avec le sourire. Celui d’un joueur satisfait de sa préparation et de son état de forme.  » Je me suis bien préparé pendant les vacances en travaillant avec un préparateur physique « , nous explique-t-il.  » Quant à l’équipe, je ne sais pas si elle est plus forte que l’année passée mais on sera de plus en plus attendu.  » Pendant plus d’une heure et demie, ce grand fan d’Andrès Iniesta va prendre le temps de s’expliquer sur les différents sujets brûlants qui ont accompagné une carrière plutôt mouvementée.

Ton profil semble se rapprocher de celui de Sven Kums qui, comme toi, demande beaucoup le ballon. Est-ce que vous ne risquez pas de vous marcher un peu sur les pieds ?

Adrien Trebel : Sven est quelqu’un qui demande beaucoup de ballons et qui en perd très peu. Moi je suis davantage un ratisseur, quelqu’un qui récupère le cuir. Nos profils ne sont pas vraiment similaires.

Tu aimes aussi prendre davantage de risques dans ton jeu.

Trebel : C’est vrai, il m’arrive parfois de prendre des risques dans des zones dangereuses. Dès que j’ai réussi ma première touche de balle, j’essaie de gagner un maximum de terrain. Je reconnais qu’à certains moments, je dois apprendre à lâcher le ballon plus vite. Il faut arriver à gérer les temps forts et les temps faibles.

D’après ton entourage proche, ton caractère plutôt tranché est lié à ton enfance qui n’a pas toujours été facile.

Trebel : Suite au divorce de mes parents, mon quotidien a été chamboulé, je suis passé d’une maison à un appartement dans une cité. Je n’ai jamais manqué de rien mais je ne voyais plus mon père qui était reparti à la Réunion. À l’école, je faisais un peu ce que je voulais, mon père n’était plus là pour être derrière moi. Je faisais le strict minimum, je réussissais car je voulais entrer en centre de formation, c’était la condition sine qua non.

 » Je n’étais pas en conflit avec le Standard  »

C’est ce caractère affirmé qui a donc entraîné ce clash à Nantes ?

Trebel : Tout le monde parle d’un clash mais ce n’en était pas un. Tous mes choix, je les ai pris en mon âme et conscience. Quand j’ai pris la décision de ne pas prolonger mon contrat à Nantes, même ma famille n’était pas au courant. Quand j’ai été chercher mon agent à la gare avant de rencontrer les dirigeants de Nantes, je lui ai dit que je ne prolongerais pas. Pourquoi ? Car je voulais jouer. J’ai vu très tôt que le foot était piloté, que le coach ne détenait pas 100 % des décisions sportives. Il avait beau me dire que je méritais de jouer, je ne voyais rien venir. Et pourtant, quand j’ai décidé de ne pas prolonger, je n’avais rien sous le coude, aucune proposition, zéro club, pas une offre. Mes derniers mois à Nantes ont été durs, je m’entraînais seul avec un préparateur physique. La seule chose que je réclamais, c’était de pouvoir m’entraîner avec le noyau A, voire le noyau B. Au final, j’ai gagné ma seconde action devant la commission juridique mais j’ai quand même rongé mon frein pendant six mois. Moi, gagner mon argent et ne pas jouer, je n’avais pas envie de ça. Mais en aucun cas, ça n’a été un conflit. Et au Standard, non plus ce n’était pas un conflit.

Ça y ressemblait quand même. Tu as tout de même forcé ton transfert en n’accompagnant pas le groupe en stage.

Trebel : Les gens ne sont pas au courant de la vraie histoire. Si j’ai décidé de pas aller en stage avec le groupe l’hiver dernier, c’est parce que des dirigeants de Gand m’ont appelé pour me dire que le Standard voulait me vendre. Alors que je n’en avais même pas été mis au courant. J’avais reçu un bon de sortie du président Venanzi mais je ne savais pas que le Standard avait mandaté un agent et démarché des clubs pour me vendre. C’est Gand qui m’a appelé par après pour me dire que le Standard voulait me vendre.

Hein Vanhaezebrouck te voulait pourtant depuis un petit temps.

Trebel : Depuis l’été 2016 même. Mais ce qui m’a vexé, c’est qu’une certaine personne au Standard s’est mal comportée avec moi, et ce n’est pas le président avec qui je n’ai jamais eu aucun problème. C’est une personne qui a tenu des propos du type : Tu ne partiras pas, tu seras à côté de moi dans l’avion pour le stage, je vais tenir ta main, c’est pas toi qui décides.

 » Si j’avais privilégié l’argent, je serais à Gand  »

Mais tu voulais quitter le Standard depuis un petit temps.

Trebel : À la fin de ma première saison, j’avais déjà un accord avec Roland Duchatelet qui m’avait dit : Toi, je te vends. Il avait été clair, il ne passait pas par quatre chemins, c’est un businessman, un président qui savait gérer son club, qui avait une puissance financière. Qui pouvait penser qu’il allait faire revenir Carcela ? Sous Duchâtelet, je trouvais que le club était bien géré, c’était un gros club.

Pas sous Venanzi ?

Trebel : J’ai revu le président Venanzi lors du dernier Anderlecht-Standard. On s’est serré la main, il n’y aucun souci, il a toujours tenu ses promesses. D’ailleurs, le transfert s’est passé de la meilleure des manières car c’est lui qui l’a géré de A à Z.

Selon Bruno Venanzi, tu n’avais pas  » la mentalité Standard.  » Comment perçois-tu ce type de déclaration ?

Trebel : Je suis passé chez l’ennemi, c’est évident que je vais être mal reçu à Sclessin mais j’ai toujours tout donné pour ce club. Faut pas oublier que j’ai joué diminué pendant un an. Je demandais aux médecins s’il ne fallait pas finir par m’opérer. Ils m’ont toujours répondu que l’on n’opérait pas une pubalgie et, au final, ils ont eu raison. J’avais perdu 50 % de mes capacités, je n’arrivais pas à dormir, quand je me levais la nuit pour aller aux toilettes, je pleurais.

En signant à Anderlecht, on peut comprendre une certaine logique sportive mais six mois plus tôt, tu étais pourtant proche de signer à Al Jazira…

Trebel : J’étais prêt à y aller, je ne vais pas mentir. J’aurais accepté Al Jazira car je sais que je ne suis pas Messi, que j’aime le foot mais surtout ma famille. Il faut faire des choix sportifs mais aussi des choix d’hommes. Et le mien était de mettre ma famille à l’abri. Mais encore une fois, ce transfert a été mal géré car le président Venanzi nous a assuré qu’il n’avait soi-disant jamais vu l’offre devant ses yeux. Alors que mon agent, Nicolas Onissé, et moi-même, nous leur avons amené l’offre de 4 millions de Al Jazira avant que je ne signe à Anderlecht.

Pourquoi ne signes-tu pas à Gand comme on l’a longtemps cru ?

Trebel : Si j’avais signé à Gand, c’eût été pour Hein Vanhaezebrouck, pour sa personnalité et son système de jeu. Et si j’avais voulu privilégier l’argent, j’aurais signé à Gand qui me proposait plus qu’Anderlecht.

Et pourquoi Anderlecht alors ?

Trebel : Car Anderlecht en Belgique, ça ne refuse pas. Le club était deuxième quand j’ai signé mais j’avais le pressentiment qu’il terminerait champion.

 » Je n’ai jamais fui mes responsabilités  »

Ce qui est étonnant, c’est que tu affirmes que le Standard et Gand étaient tombés d’accord sans t’en avertir mais Olivier Renard nous a pourtant dit qu’il ne voulait pas que tu renforces Gand, qui était alors un concurrent direct.

Trebel : Sur ça, je lui donne raison, il m’a dit que j’allais tout exploser là-bas et que je ne pouvais pas être vendu à un concurrent direct. Et de mon côté, je n’avais pas envie que mon transfert serve de monnaie d’échange pour le passage de Rob Schoofs au Standard.

Qu’est-ce que ça changeait pour toi ?

C’est une question de principe. Je sais, j’ai un caractère de con et je l’assume (il rit).

Un ex-capitaine du Standard qui passe chez l’ennemi historique, ça fait toujours des dégâts. Tu avais le sentiment d’avoir trahi tes anciennes couleurs ?

Trebel : Non. Il y a eu tellement d’exemples comme moi. Je peux comprendre les personnes qui critiquent mon choix mais est-ce que ces mêmes personnes ne feraient pas la même chose si elles recevaient une promotion ? En six mois, j’ai gagné deux titres (le championnat et la Supercoupe de Belgique, ndlr).

Et tu peux comprendre que Gand se sente trahi ?

Trebel : Non, car je n’ai jamais donné mon accord. Par contre, Monsieur Louwagie a déclaré que le Standard avait donné son accord pour que je signe à Gand. Et que moi aussi, j’étais d’accord d’après le Standard. Ce qui n’était absolument pas le cas.

Le brassard de capitaine du Standard t’a été retiré avant le déplacement à Saint-Trond, ce qui allait être ton dernier match pour ce club. Avais-tu réellement l’âme d’un capitaine ?

Trebel : Je l’ai toujours été en jeunes. Et au Standard, je faisais tout pour donner une direction à mon équipe mais c’était compliqué car les résultats ne suivaient pas. Mais je n’ai jamais fui mes responsabilités. J’ai toujours été saluer les supporters, même dans la défaite. Quand ils voulaient dialoguer, qu’ils venaient à l’entraînement pour nous mettre la pression, je n’ai jamais fui. Et ce brassard, c’était une fierté pour moi. Même si c’est vrai que mes performances étaient moins bonnes sur la fin à l’image de toute l’équipe, il y a eu ces blessures et j’avais aussi la tête ailleurs.

Ton malaise au Standard fut symbolisé par ta non-venue au repas de Noël du club.

Trebel : On en a beaucoup parlé. Même Monsieur Van Holsbeeck m’a demandé avant que je ne signe pourquoi je ne m’étais pas rendu à ce dîner. Et je lui ai répondu que ce soir-là ma copine arrivait à l’aéroport de Bruxelles. J’avais prévenu le Standard plusieurs jours à l’avance que j’aurais aimé aller la chercher. Et on m’a rapporté qu’une personne du club a déclaré : qu’elle se débrouille. Ça, c’est pas passé. Dès cet instant, j’ai prévenu le club que je serais malade le jour du repas. Pour moi, c’était un manque de respect de me dire une chose pareille. On parle de la personne avec qui je vais me marier, avec qui je vais faire des enfants, ce n’est pas n’importe qui. Le respect, c’est primordial à mes yeux.

 » Youri et Leander ont été programmés pour réussir  »

Tu savais qu’en signant à Anderlecht, tu risquais de te retrouver sur le banc ?

Trebel : Bien sûr. J’ai pris mon mal en patience et au final, je ne m’en suis pas mal tiré.

Tu as vu directement une différence de niveau avec le Standard ?

Trebel : C’était abusé. À l’entraînement, ça allait à 4000 à l’heure. Pas de faute technique, c’était propre. Je me rappelle que le premier jour où je suis arrivé dans le vestiaire, j’étais seul. J’ai demandé aux assistants où les joueurs se trouvaient, on m’a répondu qu’ils étaient tous à la salle. Presque chaque matin, les joueurs sont à la salle alors que ce n’est pas une obligation. Au Standard, on jouait aux cartes.

Si lesrésultats sont présents, la manière laisse toujours à désirer à Anderlecht.

Trebel : Notre jeu ne m’a jamais posé de problèmes. J’ai lu comme tout le monde que, soi-disant, on défendait. Mais ils ont fait quoi la Juventus ? Weiler, en un an, il a été champion en prenant des choix courageux, difficiles. Mais il savait qu’il allait finir champion à la fin.

Il a quoi de si particulier Weiler ?

Trebel : Il va au bout de ses idées et personne ne lui fera changer d’avis. Aujourd’hui, tous les coaches qui réussissent ont leur propre personnalité. Et Weiler a une vraie personnalité. Je l’avais eu au téléphone avant que je ne signe. Il m’avait clairement dit qu’il avait deux jeunes joueurs à qui il avait laissé les clefs du jeu mais qu’il n’avait personne dans mon profil, quelqu’un qui sait ratisser. En signant, je savais où je mettais les pieds.

Tu sembles t’être entendu très vite avec Youri Tielemans et Leander Dendocnker.

Trebel : Ce n’est pas pour leur jeter des fleurs mais c’est très facile de s’entendre avec des joueurs comme ça.

Au Standard, tu avais pourtant la réputation d’être dur avec les plus jeunes.

Trebel : C’est vrai, car on l’a été avec moi à Nantes. Les jeunes du Standard avaient tous de la qualité mais quand ils arrivaient chez les pros, il ne se mettaient pas dans la tête qu’ils devaient gagner leur place, ils étaient contents d’être chez les pros. Mais tu dois penser autrement : s’il faut mettre un tacle à celui qui est à ta place, mets-lui un tacle. Mais ils ne se faisaient pas violence. Mon exemple, ça reste William Vainqueur à Nantes. Lors de sa première opposition avec les pros, il a découpé tout le monde. Le coach lui gueulait de lever le pied. Mais il n’entendait rien. Deux semaines plus tard, Will jouait face à l’OM et il n’est plus sorti de l’équipe. Quand t’es jeune, et qu’on te marche sur le pied mais que tu restes au sol pendant dix minutes, c’est quoi ? Lève-toi, t’as dix-huit ans, tu vas avoir un petit bleu sur ton orteil. Continue à te taper, à donner ta vie. Il faut que tu aies les crocs, ne fais pas ta déesse. Quand j’ai eu la chance d’être convié chez les pros, je préparais mes entraînements comme une finale de Coupe du Monde. Youri et Leander ont tout compris depuis longtemps. Lors de mon premier entraînement ici, je me suis dit : Lea, c’est pas possible, j’ai jamais vu un joueur comme lui. C’est celui qui court le plus, il est à la salle tous les jours et il ne va jamais en soins, il ne sait pas ce que c’est un massage. Youri et Leander ont été programmés pour réussir.

par thomas bricmont et alain eliasy photos belgaimage – virginie lefour

 » Presque chaque matin, ici, les joueurs sont à la salle. Au Standard, on jouait aux cartes.  »

 » À cause de ma pubalgie, j’avais perdu 50 % de mes capacités. Je n’arrivais pas à dormir. Quand je me levais la nuit pour aller aux toilettes, je pleurais. Adrien Trebel

 » Weiler va au bout de ses idées et personne ne lui fera changer d’avis.  » Adrien Trebel

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