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Qui est vraiment Kevin De Bruyne ?

Sport/Foot Magazine vous fait découvrir l’univers de Kevin De Bruyne, élu ‘homme du match’ de la première rencontre des Diables Rouges au Mondial brésilien face à l’Algérie.

Le look ne trompe pas : il y a un air de famille. Karel De Bruyne ressemble très fort à son cousin Kevin. À quelques détails près : il est plus petit et – surtout – il est un moulin à paroles. Evidemment, il est vendeur. De recouvrements de toits. Originaire de Flandre-Orientale comme son héros footballeur, il travaille dans le Limbourg et occupe l’appartement du héros en questions. Leurs pères sont frères, leurs mères cousines. Leurs soeurs ont le même âge. Impossible de trouver familles plus unies.

« Quand je vois nos deux pères, je vois à quoi Kevin et moi ressemblerons plus tard. Nous aimons blaguer et rire. Nous sommes également solidaires. Ce n’est pas parce que Kevin est un footballeur connu que nous l’adulons. Ça ne nous empêche pas de lui vider un seau d’eau sur la tête pendant un barbecue. Mais il reste mon petit cousin.

La famille De Bruyne est très soudée et aussi très petite. Gamin déjà, Kevin n s’intéressait qu’au football. J’étais le seul à jouer aussi. Donc, que faisions-nous ? Nous jouions au football, au ping-pong, au badminton. Je perdais toujours. »

Le petit Kevin a grandi à Drongen, près de Gand. « Avec une coupe casserole », rigole Karel. « Il a perdu sa voix fluette mais son caractère n’a pas changé. Quand quelque chose ne lui plaisait pas, il était vilain. Il faut en fait pénétrer dans son univers, un monde qui tourne autour du ballon. Alors, ça va. Kevin a fait sa profession de son hobby mais sans qu’il la considère jamais comme un vrai travail. Je ne l’ai jamais surpris à soupirer de devoir encore partir à l’entraînement. Il vit pour le football. »

Sa soeur cadette était portée sur les études. « Stefanie était très bonne en gymnastique. Quand elle avait une compétition importante, sa mère allait l’encourager tandis que le père accompagnait Kevin. Ils n’ont jamais fait de différence entre leurs enfants. Ce n’est pas parce que Kevin a réussi en football qu’il est dix fois meilleur que sa soeur. Absolument pas. D’ailleurs, les deux enfants s’entendent très bien. Stefanie lui envoie souvent un sms : – Frérot, succès ! Si elle me le demandait, je l’encouragerais aussi fort que Kevin. »

Pas de sorties avant 18 ans Kevin avait 14 ans au moment de quitter Gand pour le RC Genk. Un choix délibéré. « Kevin a déterminé lui-même chacun de ses pas. Il avait également la possibilité de signer à Anderlecht mais il a préféré Genk. Ce ne sont pas ses parents qui ont pris la décision, c’est lui. Une seule fois, il a été privé de tout choix : à Chelsea. Il avait la possibilité de jouer en Bundesliga mais Mourinho lui a téléphoné : – Je veux que tu restes. C’est la seule fois. »

Karel décrit Kevin comme un battant. « Il a été en proie au doute à Genk aussi mais il a serré les dents. Ce n’était qu’une question d’adaptation. Tout abandonner pour aller jouer à 150 kilomètres de chez lui, à 14 ans, ce n’est pas évident. Il a vécu en internat puis dans une famille d’accueil mais ça n’a pas marché. Se retrouver dans une famille étrangère n’est pas facile.

Il s’est mieux intégré dans sa seconde famille d’accueil. Kevin n’a pas eu la jeunesse d’un ado normal. Il n’est pas sorti, il n’a pas commencé à flirter. Il n’a découvert les sorties qu’à 18 ans. Tout le monde peut trouver sa réussite fantastique mais il a consenti beaucoup de sacrifices et j’en suis très fier. »

En septembre 2008, Ronny Van Geneugden promeut De Bruyne, qui s’entraîne avec le noyau A. Il a 17 ans, et est un attaquant pur sang. Une semaine plus tard, les espoirs de Genk battent leurs homologues de Zulte Waregem 10-0. Kevin est l’homme du match. Il est entré au jeu à la mi-temps en remplacement de Jelle Vossen et a inscrit cinq buts. Ce week-end-là, son nom est sur toutes les lèvres, à la Cristal Arena.

Il signe un contrat de stagiaire de trois ans et Pierre Denier, l’adjoint qui remplace Van Geneugden, limogé, lui grée deux brèves entrées au jeu. Genk perd les deux matches mais sauve sa saison en enlevant la Coupe de Belgique. Il prend la mesure de Malines 2-0 en finale. De Bruyne reste fiché sur le banc.

En juin 2009, on lui offre un contrat pro de quatre ans. Il obtient son permis de conduire en décembre. « À partir de ce moment, je l’ai suivi plus intensivement. Je me coltinais une navette de trois heures et il venait me chercher à la gare. Je me souviens avoir téléphoné à mon père, pendant un barbecue familial. – Tu ne devineras jamais qui est là, a-t-il dit. Kevin était venu en voiture.

Tout, sauf euphorique Une semaine plus tard, il était à ma porte, à Audenarde. Nous avons bavardé et depuis, nous nous téléphonons tous les jours. Nous sommes comme les doigts d’une main. Kevin est devenu un frère pour moi. Nous nous racontons tout, qu’il s’agisse de football ou d’amour. »

Son souvenir le plus fort date de cette époque-là : le premier but de Kevin contre le Standard, le but de la victoire 1-0. « Le télétexte a annoncé : un but de classe mondiale de De Bruyne. » Les premières histoires émergent. Sur son entêtement, par exemple. « Les talents ont toujours un caractère spécial. Sa rage de vaincre est insatiable, phénoménale. Quand il se fixe un objectif, quel qu’il soit, il l’atteint. Il peut donner l’impression d’être arrogant mais il faut le connaître et savoir quel objectif il poursuit pour le juger. »

Il repousse le FC Twente et effectue ses débuts en équipe nationale. Georges Leekens le fait jouer une mi-temps du match amical contre la Finlande, en août 2010. « Kevin est un garçon fier : se produire pour son pays est quelque chose de spécial pour lui mais ce n’était qu’un match amical et il a les pieds bien enfoncés dans le sol. Il n’éprouve de fierté que quand il est important pour l’équipe, comme durant la campagne de qualification pour le Mondial. Il a été à la base de 50 % des buts et il était rayonnant. Il a été content de son premier match international mais pas au point de sauter de joie. Kevin est prudent. Il ne sombre pas facilement dans l’euphorie. »

Quelques semaines plus tard, le destin frappe. Deux fois. Il souffre d’une mononucléose et sa grand-mère décède de manière inattendue en Angleterre. « Il était en pleine ascension quand il a attrapé ce virus. Ce fut une période d’incertitude car on ne connaît jamais la durée de cette maladie. Il est parti en Angleterre. Il a dormi tout le temps. Il s’est beaucoup occupé de sa mère. C’était sa façon de digérer ce qui lui arrivait. Dans ces moments-là, il faut le laisser tranquille. Il n’a pas envie de parler. Il estime devoir surmonter les épreuves seul, en paix, à sa façon. Kevin n’aime pas dépendre des autres. »

Après chaque match, il continue à téléphoner à sa mère. « Il ne se contente pas d’un sms, il téléphone. Sa famille, ses copains et son amie sont les personnes les plus importantes dans sa vie. Il se jetterait au feu pour elles parce qu’il sait que s’il a un problème, elles lui viendront en aide. Quand il s’est séparé de sa première amie, j’ai pris une semaine de congé, que j’ai passée à Brême avec lui. Je lui ai préparé à manger, j’ai nettoyé son appartement, je l’ai conduit à l’aéroport. Je voulais qu’il ait quelqu’un. »

Pas d’accord avec Mourinho La mononucléose a guéri très vite et De Bruyne a rejoué avant le début de la trêve hivernale. Genk a été sacré champion au terme d’un thriller incroyable, au détriment du Standard. « Depuis que je le suis, je n’ai jamais eu une telle chair de poule », raconte Karel. « Après le match, les gens ont envahi le terrain. Kevin jubilait sur le podium. En me voyant arriver, il a tendu la coupe à Barda, il a sauté du podium, a repoussé tout le monde et m’a enlacé : – Merci, Karel. J’ai répondu : – Copain, on va voir ta mère ! Bras dessus-dessous, nous nous sommes frayé un chemin à travers la foule pour rejoindre la tribune où attendait sa mère et l’embrasser. Il aurait pu se contenter de me faire signe mais non, il est descendu du podium. J’ai compris que je comptais pour lui et en fait, je le veux car je l’aime. »

À mi-chemin de la saison 2011-2012, Kevin De Bruyne franchit un nouveau cap. Chelsea recrute le médian mais le laisse achever sa saison à Genk. « J’ai dû me pincer », s’exclame Karel pour résumer sa stupéfaction. « De Genk à Chelsea, une équipe de format mondial ! Il avait vraiment réussi. J’ai toujours cru en lui mais je n’aurais jamais imaginé que ça irait aussi vite. »

Six mois plus tard, Chelsea le loue au Werder Brême. Son adaptation au football allemand ne se déroule pas sans pli mais De Bruyne finit par trouver ses marques et l’équipe nationale en profite. Il inscrit son premier but sous le maillot des Diables en octobre 2012 et signe une prestation sans faille. Il est à la base de la victoire spectaculaire 0-3 en Serbie. Karel : « Brême lui a réussi sur le plan sportif mais sa vie privée a connu des hauts et des bas. Il s’est séparé de sa copine, ce qui a joué un rôle. Il a bien surmonté ce coup. Il en a parlé à sa mère après un match et il a tiré un trait. »

Suit le retour à Londres, avec beaucoup d’espoirs. « Pourquoi ? Parce que Mourinho lui a dit qu’il le voyait bien dans son système. » La préparation s’est bien déroulée, il a marqué contre Milan. Il a été l’homme du premier match. Il a délivré l’assist contre Hull City. Il est entré au jeu lors du deuxième match et il a entamé le troisième contre Manchester United. Ce fut un mauvais match pour toute l’équipe et Kevin a payé l’addition.

Mourinho lui a reproché de ne pas se livrer à fond à l’entraînement. Kevin a répondu qu’il regrettait que les séances soient inaccessibles au public car sinon, les gens verraient comment il s’entraînait. Vous voyez : sa fierté a ressurgi. Il n’a pas dit un mot contre Mourinho. Il trouve même que le Portugais est un super entraîneur mais quand il n’est pas d’accord avec quelqu’un, il le dit, Mourinho ou pas. »

Une place sur le terrain Il passe de tristes fêtes avec ses copains à Londres. « Ce n’était pas le Kevin que nous connaissons. Petit, il était comme Steven Gerrard. Il allait au lit avec son ballon et son petit monde s’écroulait si on le lui prenait. Il n’a pas changé de ce point de vue. Il a besoin de jouer. Sinon, il doute, surtout à quelques mois du Mondial. Quand ça ne va pas, Kevin doute vraiment beaucoup de lui. Il a besoin d’une confirmation et il demande : -Suis-je assez bon ? Mais enfin, Kevin ! Là, nous devons l’aider, lui insuffler courage et confiance. »

La délivrance vient à nouveau d’Allemagne. Karel vit des moments difficiles aussi. « Kevin sépare le privé du football et quand il ne peut pas dévoiler quelque chose, il n’en pipe pas mot. Il est conséquent. Les gens me demandaient s’il avait déjà signé pour Wolfsbourg mais je n’en savais rien et ils ne me croyaient pas. Parfois, je pars à la pêche aux renseignements mais alors, Kevin se mure dans le silence. »

De Bruyne a signé pour le VfL Wolfsbourg en janvier dernier, pour cinq ans et demi. « Quel soulagement ! Ma première pensée a été que j’allais le revoir sur un terrain. Le voir souffrir était vraiment embêtant. Certains joueurs se satisfont du banc parce qu’ils connaissent leur place mais pas Kevin. Il sait que sa place est sur le terrain. C’est pour ça que Wolfsbourg a constitué un tel soulagement. La barre est placée haut, déjà à cause du montant déboursé par le club, mais il ne ressent pas de pression. Je ne l’ai d’ailleurs jamais vu souffrir de l’obligation de devoir prester. Kevin ne connaît pas le stress.

Il a moins de temps morts en Allemagne qu’en Angleterre, où on ne s’entraîne qu’une fois par jour. Après, il rentrait à la maison. Mata habitait à l’étage au-dessus mais ils avaient peu de contacts. Il a quelque peu sympathisé avec Van Ginkel, parce qu’ils parlaient la même langue. Pourtant, il ne considère pas Chelsea comme un échec. Plutôt comme un apprentissage. Il n’avait rien à perdre. Il aurait été plus abattu s’il avait joué mais n’avait pas réussi à s’imposer. Dans ce cas, il n’aurait pas saisi sa chance. Or, il a exploité les rares occasions qu’il a reçues de jouer. »

Kevin revient en Belgique chaque semaine. Au Limbourg, où vit et étudie son amie. Après une nuit, il repart à Wolfsbourg. « Il est plus épanoui qu’à Brême. Le Werder était son premier club étranger et, en plus, il a vécu une rupture rapide. Il ne s’est pas beaucoup épanché. Il faut vraiment se donner du mal pour qu’il exprime ses sentiments et il ne le fait pas avec tout le monde, seulement avec ses amis et encore. Il a du mal à dire qu’il apprécie quelqu’un. Il me l’a dit récemment et ça m’a beaucoup touché. »

Jan Hauspie

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