Marc Degryse

Messi – Ronaldo : qui est la chèvre ?

Pour Marc Degryse, le chroniqueur de Sport/Foot Magazine, l’Argentine n’a aucune chance de gagner cette Coupe du Monde avec un Lionel Messi à ce niveau.

Lionel Messi n’a pas fait les choses à moitié à l’approche de la Coupe du Monde en posant pour la couverture d’un magazine américain. Il apparaît en photo avec une chèvre, et avec ce gros titre : Leo Messi – G.O.A.T. Goat, c’est la chèvre en anglais. Et derrière ces quatre lettres, il y a cette signification : Greatest Of All Time. Le plus grand de tous les temps. Il a compris que, dans son éternel duel à distance avec Cristiano Ronaldo, ce Mondial est l’occasion pour lui de démontrer qu’il est le plus grand. Les Américains se demandent toujours qui, en basket, est le plus fort de tous les temps : LeBron James ou Michael Jordan ? Maintenant, ils se posent la même question sur les footballeurs.

Bon, sur ce qu’on a vu pendant le premier week-end du tournoi, Messi n’a pas marqué de points par rapport à son rival. Et pourtant, vu l’opposition, il aurait dû le faire. Contre l’Islande, on a eu l’impression qu’il était paralysé par la pression. Son penalty raté n’était que la meilleure illustration du phénomène, de son malaise du moment. C’est toute l’équipe argentine qui a déçu, mais en observant les traits du visage et la posture de Messi, on avait l’impression qu’il n’était pas heureux de porter ce maillot. À lui seul, il a incarné la petite forme de son équipe. L’Argentine n’a aucune chance de gagner cette Coupe du Monde avec un Lionel Messi à ce niveau.

En observant les traits du visage et la posture de Messi, on avait l’impression qu’il n’était pas heureux de porter ce maillot.

À l’opposé, Ronaldo a directement montré qu’il avait tout, en ce moment, pour être considéré comme le plus grand. The Greatest Of All Time. Rien que son attitude l’a mis des kilomètres devant Messi dans leur duel. On a directement vu un Ronaldo sûr de lui, avec son corps d’athlète toujours plus parfaitement sculpté. Après avoir marqué son premier but, il a fait discrètement allusion à la fameuse chèvre. Il a affronté l’Espagne quelques heures après avoir officiellement accepté de rembourser une vingtaine de millions d’euros au fisc espagnol. Un événement pareil aurait pu le détruire mentalement, mais chez lui, au contraire, on a eu l’impression que ça avait contribué à le libérer. Ce n’était clairement pas un attaquant abattu dans la tête qu’on a vu monter sur la pelouse.

Tout ce qu’il a fait dans ce match de gala, il l’a bien fait. Il a transformé un penalty qu’il avait lui-même provoqué, il a fait des courses incroyables sur des contre-attaques pour servir des coéquipiers dans des bonnes conditions, il a gagné tous ses duels aériens, il était toujours disponible, il temporisait quand c’était nécessaire. C’était du grand art. Et si son coup franc dans les dernières secondes n’était sans doute pas le plus spectaculaire du week-end, c’était le plus parfait. J’ai rarement vu un coup franc aussi bien tiré. C’était puissant, placé, idéalement calculé.

Sur les images prises par la caméra placée derrière lui, on distingue bien la vitesse et la courbe qu’il donne à son ballon. Du grand art. Et surtout, il a eu le chic de faire ça à un moment crucial. Tu joues contre un favori du tournoi qui, malgré son changement de coach à la dernière minute, sort un tout bon match. Tu sais que ce coup de pied arrêté est celui de la dernière chance. La pression est gigantesque. Et tu assumes en y mettant la manière. Ronaldo a arraché à lui seul un point contre un adversaire qui était au-dessus du Portugal. Ça me rappelle l’analyse de Roberto Martinez après le match amical récent contre les Portugais. Il avait dit que notre défense avait bien fait son job, que le test était réussi. Mais le Portugal sans Ronaldo, ce n’est pas le Portugal.

Lionel Messi reste probablement le plus intuitif, le plus créatif. En talent naturel, il reste au-dessus. Mais en un seul match, Ronaldo a déjà peut-être remporté le prix de la meilleure prestation individuelle de la Coupe du Monde sur 90 minutes.

Par Marc Degryse

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