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« Maroc-2026 », entre opérations séduction et lobbying tous azimuts

Tour du monde à la rencontre des 207 fédérations votantes, voyages organisés pour la presse étrangère, recours à des « ambassadeurs » de prestige pour faire du lobbying: la candidature marocaine pour l’organisation du Mondial-2026 a fait feu de tout bois pour créer la surprise lors du Congrès de la Fifa, mercredi.

« Quand le journaliste japonais a débarqué à l’aéroport, il pensait trouver un désert. Il était tout étonné de voir tout le contraire », souffle un membre du comité de candidature, entre amusement et amertume. « Mais à la fin du voyage, il est reparti conquis », veut-il croire.

Décidé à ne pas laisser le moindre préjugé orientaliste entraver sa course, « Maroc 2026 » a joué à fond l’opération séduction auprès de la presse étrangère en invitant, au cours de deux sessions au printemps, ses représentants originaires d’Amérique latine, d’Asie, ou du monde anglo-saxon, à se rendre dans le Royaume pour découvrir son projet.

Au menu ? La visite d’une partie des infrastructures prévues dans son projet comme l’un des 12 stades au programme ou le chantier de la future ligne TGV, bien sûr, mais aussi une immersion dans le patrimoine culturel marocain, de la medina de Tanger à l’emblématique Place Jemaa el-Fna de Marrakech.

« On a beau présenter un pays et sa candidature dans un document, ou à la TV, rien ne peut battre le sentiment de visiter un pays », explique à l’AFP Hicham El Amrani, directeur général de « Maroc 2026 ». « C’est très important de relayer ça à la presse internationale, de pouvoir expliquer, répondre aux questions, lever un certain nombre de doutes, ou de perceptions par rapport à certains aspects. »

– « Ambassadeurs » –

Pour orchestrer cette campagne de lobbying, le Maroc, qui espère ne pas vivre un énième échec mercredi à Moscou après déjà quatre candidatures malheureuses (1994, 1998, 2006 et 2010), a fait appel à un poids lourd du secteur. Son nom ? Vero Communications, l’agence britannique qui a fait gagner Londres et Paris dans leur quêtes respectives des JO-2012 et JO-2024, ou qui a encore propulsé… Gianni Infantino à la présidence de la Fifa en 2016.

Et la stratégie de conquête ne s’arrête pas là. Pour gagner la sympathie des amateurs du ballon rond, la candidature « africaine » a aussi fait appel à des légendes du continent comme Didier Dogba ou Samuel Eto’o pour mouiller son maillot.

« Les ambassadeurs ne sont pas venus juste pour leur apporter leurs noms, ou leur image. Mais ils participent aux campagnes de lobbying, voyagent avec nous à travers les différents pays dans le monde pour pouvoir défendre la vision de la candidature marocaine et ses atouts », souligne Hicham El Amrani.

Mieux, le Royaume peut également compter sur des « influenceurs » de haut-niveau dans les pays amis. Exemple en France, où les officiels marocains, qui ont d’ores et déjà enregistré le soutien de la fédération française, comptent plusieurs relais sur la scène politique.

– « Influence » –

Dans les salons du prestigieux hôtel de Lassay, résidence du président de l’Assemblée nationale, le sénateur français Christian Cambon, également président de la commission des affaires étrangères et des forces armées, a ainsi appelé toute personne ayant de « l’influence » à soutenir le Maroc.

Qu’entendait-il par-là ? « Cela veut dire que chacune et chacun dans le rôle qui est le nôtre, peut apporter un soutien effectif. Je prends mon exemple, où je suis évidemment amené à voir beaucoup de ministres de tout un tas de pays, et moi j’aborde le sujet unilatéralement avec eux », explique-t-il à l’AFP.

« Je recevais un ministre d’un pays de l’Europe centrale et je lui ai dit +C’est quoi votre position sur la Coupe du monde 2026 ?+ Il n’était absolument pas au courant, mais ça m’a permis de développer un certain nombre d’arguments, notamment que cela peut être un facteur de paix dans la région », ajoute M. Cambon.

Son « collègue » Gilles Pargneaux, euro-député et président du groupe d’amitié Union européenne-Maroc, a passé carrément son dernier mois « à des prises de contacts tous azimuts auprès de décideurs européens qui à tel ou tel endroit ont un pouvoir de conviction et de décision par rapport à ceux qui vont voter le 13 juin », confie-t-il à l’AFP.

Suffisant pour faire la différence ?

Ticket USA-Mexique-Canada: une candidature favorite en quatre points forts

Les Etats-Unis, le Canada et le Mexique concourent ensemble contre le Maroc pour organiser le Mondial-2026, dans un duel dont le vainqueur sera désigné mercredi à Moscou. Tour d’horizon des forces du ticket nord-américain, annoncé comme favori:

1. Des stades grands et modernes

C’est le point fort du dossier nord-américain: les stades qui, de l’emblématique stade Azteca de Mexico au moderne AT&T Stadium de Dallas, promettent d’attirer un public record.

Un total de 23 enceintes sportives – trois au Mexique, trois au Canada, et 17 aux USA – figurent sur la « short list » des organisateurs, pour ce qui pourrait être le premier Mondial à 48 sélections, soit le grand jamais constitué.

La capacité moyenne des stades est de 55.000 places, avec un pic de 92.467 à l’AT&T Stadium au Texas, l’antre de la franchise NFL des Dallas Cowboys depuis 2009, et doté d’un toit rétractable.

Le plus petit est celui du Toronto FC, champion 2017 de MLS, le BMO Field (45.000 places).

Hôte de la finale du Mondial-1994, le Pasadena Rose Bowl, à Los Angeles, apparaît également dans la liste, tout comme le futur grand stade de la mégapole californienne à 4 milliards de dollars qui doit sortir de terre en 2020 et accueillir l’équipe NFL des Rams.

2. Une cascade d’argent attendue

Les défenseurs de la candidature nord-américaine ont musclé leur jeu financier: leurs projections situent les bénéfices de la compétition à plusieurs milliards de dollars, à un niveau inédit.

Le président de la Fédération américaine de football Carlos Cordeiro a déclaré début mai que le Mondial-2026 rapporterait quelque 11 Mds USD à la Fifa (9,25 Mds EUR), sur un chiffre d’affaires attendu de 14 Mds USD.

Ce bénéfice exploserait de presque quatre fois celui réalisé en 2014 au Brésil (2,6 Mds USD).

Tout est plus démesuré aux Etats-Unis? Cordeiro espère vendre 5,8 millions de billets, avec une moyenne de 72,500 spectateurs par match en moyenne, pour battre un record… déjà détenu par les USA (68,991 en 1994).

Les recettes « hospitality » sont espérées entre 1 et 1,5 MD USD, quand les droits médias pourraient dépasser les 5 MDS pour la première fois.

3. L’expérience des grands rendez-vous

Le Canada, le Mexique et les Etats-unis ont tous déjà fait leurs preuves dans l’organisation de compétitions majeures de la Fifa, un point qui les distingue du Maroc.

Le pays aztèque a ainsi organisé les Coupes du monde en 1970 et en 1986, deux éditions qui conservent une aura spéciale, de la magie du Brésilien Pelé au génie de l’Argentin Diego Maradona, 16 ans plus tard.

Les USA ont elles accueilli le Mondial en 1994, un succès commercial et populaire malgré le scepticisme initial autour de leur candidature. Au pays du « soccer », quelque 3,6 millions de spectateurs ont assisté aux rencontres, un chiffre qui n’a toujours pas été battu malgré le passage de 24 à 32 sélections en 1998.

Le Canada a lui accueilli le Mondial féminin en 2015 ainsi que celui des moins de 20 ans en 2007.

4. Fonctionnement huilé

Si le ticket nord-américain était retenu, ce serait la première fois qu’un Mondial serait organisé par trois pays en même temps, dépassant la co-organisation de la Corée du sud et du Japon en 2002.

Un casse-tête pour l’agenda? Les organisateurs ont déjà tout prévu. Ils comptent organiser 60 rencontres aux Etats-unis, contre 10 pour le Mexique et le Canada chacun. L’Oncle Sam accueillera également tous les matches à partir des quarts de finale.

La candidature prévoit d’organiser un match dans chaque pays au premier jour de compétition, avec le principal match d’ouverture à Mexico ou Los Angeles.

Selon le livret de candidature, la finale se tiendrait au MetLife Stadium, antre des équipes NFL des New York Jets et New York Giants à East Rutherford dans le New Jersey, et les demi-finales à l’AT&T Stadium et au Mercedes-Benz Stadium d’Atlanta.

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