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Luis Fernandez : « La France n’est pas un pays de football »

Thomas Bricmont

Tête-à-tête avec Luis Fernandez, l’une des plus belles grandes gueules du foot français. Pour parler Diables, amour du foot et Benzema. Extrait.

Mardi, 7 juin. Luis Fernandez nous fixe rendez-vous dans son troquet parisien du 17e arrondissement. L’homme de 56 ans est une caricature du titi parisien, homme pressé, le portable fixé à l’oreille et tout en gouaille. L’enfant de Tarifa (Andalousie), dont la maman posa les bagages sur le sol français à la fin des années 60 pour s’installer dans la cité des Minguettes à Venissieux, en banlieue lyonnaise, est resté une personnalité forte du footballeur français.

Ses lettres de noblesse (voir bio) en tant que joueur et ses expériences plus ou moins réussies en tant que coach font de lui quelqu’un de très écouté. Et il ne se prive pas pour l’ouvrir haut et fort. Car Luis (pour les intimes) est devenu une grande gueule du PAF (paysage audiovisuel français) que ce soit à travers son émission quotidienne, « Luis Attaque » sur la radio populaire et populiste, RMC, ou par ses prises de position en télé sur BeIn Sport.

Malgré les années et la lassitude que le temps pourrait entraîner, Fernandez est resté un fondu de foot. La preuve : « J’ai vu le match des Belges face à la Norvège et même celui face à la Finlande et j’ai vu beaucoup de bonnes choses. J’ai préféré le match face à la Finlande car ils ont réussi à créer des décalages, des débordements, je trouvais que l’équipe était en place. Oui, il leur manque Kompany mais il y a du monde pour le remplacer et sur les côtés, il y a celui qui a marqué (Ciman), il y a aussi le frère Lukaku qui est pas mal, même s’il doit être un peu plus rigoureux, il a tendance à s’oublier un peu. Denayer, par contre, je l’ai trouvé un peu moins bien par rapport à la finale de la Coupe de Turquie avec Galatasaray.

Celui qui a joué contre la Finlande à droite est très bon (Alderweireld), c’est lui le véritable arrière droit pour moi. Il y a tellement de talents chez vous. Quand tu peux aligner au milieu de terrain Witsel et Ndogan (sic), c’est pas rien. Et avec De Bruyne et Hazard, la Belgique compte un passeur et un accélérateur de jeu. Sans compter les Lukaku, Benteke, Batshuayi, Origi devant. La Suède ne m’a pas vraiment impressionné même si évidemment ils ont Zlatan et toujours une discipline, une rigueur dans le jeu qui fait que tu as toujours des soucis avec eux. Ils ne lâchent rien, ce sont des sangsues. Ce n’est peut-être pas beau à voir mais c’est efficace. »

Vous êtes confiants par rapport au bon déroulement de l’Euro et de votre équipe de France?

Luis Fernandez : On est le pays organisateur et on a le désir de réaliser une belle performance, même si tout n’est pas parfait. Mais la France n’est pas un pays de football. On n’a pas cette culture que peuvent avoir les Espagnols, les Italiens, les Allemands, les Anglais, voire les Belges.

C’est quoi avoir une « culture foot »?

Fernandez : La culture, c’est ce qui est ancré dans les moeurs, les mémoires. Une culture, c’est ce qui se construit dans un pays depuis 100 ans, voire plus, comme l’ont fait les Anglais ou les Allemands. Tu as dans ces pays-là une identité de jeu et des anciens qui perpétuent cette tradition. Quand tu observes les grands clubs espagnols ou allemands, leur culture est très présente, en France, elle n’existe pas. On aime le football en France mais on ne s’en occupe pas suffisamment bien. Ici, tout le monde prend part au débat, même ceux qui sont complètement extérieurs à la question. Et si ces personnes investissent le débat, c’est parce qu’il y a un événement d’envergure qui est mis sur pied en France. S’il n’y avait pas ce Championnat d’Europe, ils n’en auraient rien à foutre.

Mais on aime le foot quand même?

Fernandez : Oui. Il y a une telle diversité dans ce pays, des gens de tous horizons qui sont passionnés par ce sport. Malheureusement, l’image que l’on renvoie ces derniers temps est négative notamment à cause de médias en perpétuelle recherche du buzz. Le foot doit être commenté, analysé, critiqué. Il est magnifique quand il s’enflamme, quand on n’est pas d’accord sur tel ou tel sujet mais, en France, le foot a été sali depuis 2010 notamment par des joueurs qui n’ont pas voulu descendre d’un bus et qu’on n’a pas voulu recadrer. Le problème, c’est que si on passe les caprices aux jeunes, on leur laisse les clefs alors qu’il faut plus de sévérité.

Quel est votre regard sur la décision de Deschamps de ne pas prendre Benzema ?

Luis Fernandez : Je comprends sa décision, car elle n’est pas basée sur une opinion mais sur une réflexion. Quand t’es chef d’entreprise, tu fais des choix, même chose quand t’es entraîneur. Karim, j’ai été son avocat sur le terrain, je l’ai assez défendu et je défendrai toujours quand je le vois évoluer au Real Madrid. Mais c’est vrai qu’en équipe de France, il manque toujours quelque chose. Olivier Giroud , il se fait insulter, traiter de tous les noms, mais derrière il te met deux buts. Peut être que chez Karim, en équipe de France, il y a de l’auto-suffisance, que c’était trop facile alors que justement il devrait se surpasser. Karim n’a pas attaqué Didier Deschamps, mais il a parlé sous le coup de la déception, ses performances en équipe de France n’ont pas toujours été à la hauteur, il n’a pas ce côté tueur, il y a un peu de laisser-aller.

Par Thomas Bricmont

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