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 » EN SERIE A, C’EST MOI QUI TACLE LE PLUS. C’EST FOU, NON ? « 

C’est dans un autre rôle que celui de stratège que Sven Kums a conquis ses galons de titulaire à Udinese. « J’aimerais tout de même être plus décisif, marquer et délivrer des assists », dit l’ex-Buffalo.

« Vraiment pas possible « , répond Sven Kums (28 ans) avec l’air le plus sérieux du monde lorsque, après un selfie avec Johan Walem, le patron de la trattoria envoie un de ses garçons demander au Soulier d’Or d’en faire un autre.  » Zven Koums c’est l’avenir, Walem c’est le passé.  » Après quoi Kums et le sélectionneur des Espoirs, qui possède encore un magasin de vêtements à Udine, rigolent de bon coeur tandis qu’un peu plus loin, le gardien Simone Scuffet et ses amis regardent la scène d’un air amusé. Elle reflète bien l’atmosphère détendue qui règne dans le nord de l’Italie.

Il y a encore un peu de neige sur la Piazza Giacomo. A l’horizon, les sommets des montagnes invitent au ski. Sur la place, des échoppes vendent des pantoufles, des fruits et du fromage. Le Frioul-Vénétie Julienne est une région de vacances méconnue. Les montagnes font penser à la Toscane. Sans touriste et avec des prix plus abordables dans les restaurants. Comme il gèle pratiquement, il y a très peu de monde sur la superbe Piazza Liberta, une place vénitienne gigantesque de style renaissance située au sommet de la ville. À cette époque de l’année, on circule sans problème à Udine, ville aux nombreuses ruelles et places à arcades.

A la Dacia Arena, le stade qui a été rénové et peut accueillir un maximum de 25.000 spectateurs, il fait terriblement froid. La plupart des fans portent des bonnets, des gants et ont même emmené une couverture. Un signe de tête amical à une steward suffit à entrer dans la salle de presse. Même pas besoin de montrer sa carte de presse. Depuis fin août, c’est dans ce décor qu’évolue Sven Kums. S’il est ici, c’est en raison de l’accord passé avec la famille Pozzo, qui a fait fortune dans l’industrie. Elle a payé neuf millions d’euros pour s’offrir le médian, à qui elle a fait signer un contrat de cinq ans. A l’issue de la saison, il quittera la Serie A pour le club anglais de Watford, dirigé depuis 2012 par Pino, le fils de la famille. Les Pozzo disposent surtout d’un excellent réseau international de scouting qui leur a notamment permis, en janvier 2007, d’aller chercher Alexis Sanchez pour deux millions d’euros à Deportes Cobreola, au Chili. Quatre ans et demi plus tard, ils l’ont revendu à Barcelone pour 36 millions d’euros.

Avec Louis, un lapin noir et blanc qui court sur la terrasse, et Caroline, son épouse, qui travaille comme free-lance au service communication d’un magasin spécialisé en alimentation maternelle, Kums occupe l’appartement qui était jadis dévolu à Hamdi Harbaoui. Le bâtiment se situe à quelques kilomètres du stade, dans un coin reculé, apparemment. Malgré un système de vidéo-surveillance, le citoyen de Dilbeek a déjà été victime d’un cambriolage alors qu’il était au restaurant. La porte était bloquée et il a fallu faire venir les pompiers. « L’appartement est souvent envahi », raconte le médian.  » Seul mon frère n’est pas encore venu. Mais nous avons eu la visite de Silke, la copine de Hannes Van der Bruggen, et celle de Jolien Sysmans, l’ex-de Matz Sels, qui est restée plus longtemps que prévu car elle est allée skier avec Caroline à Tarvisio. A Heerenveen (où Kums a joué de 2011 à 2013, ndlr), personne ne venait. A Udine, tout le monde veut venir. On prend l’avion jusqu’à Venise et une heure et demie de train plus tard, on est ici.  »

SOUS LE CHARME

Le Soulier d’Or que tu as décroché il y a un an a accéléré pas mal de choses : en février, La Gantoise te proposait de prolonger ton contrat d’un an, assorti de meilleures conditions. Tu devenais le joueur le mieux payé du club. Et six mois plus tard, tu partais à l’étranger.

SVEN KUMS : En effet. Thorgan Hazard me l’avait dit : –Après le Soulier d’Or, tout va changer. Il avait raison. Heureusement, ça n’a pas influencé mes prestations.

A quel moment as-tu décidé de quitter Gand ?

KUMS : Après la fin de saison. Même après notre troisième place en play-offs 1, je pensais rester. Mais en juillet, Matz Sels est parti à Newcastle. Un peu plus tard, Laurent Depoitre a signé à Porto. À partir de là, je me suis dit que je pourrais aussi songer à un transfert. On restait sur deux bonnes saisons, avec un titre et une belle campagne de Champions League, où on avait atteint les huitièmes de finale alors que personne ne nous attendait. Il était peut-être temps de monnayer ce succès. D’autant que j’ai besoin de défis.

Ton transfert à Watford, qui a déboursé neuf millions d’euros, s’est tout de même déroulé dans des circonstances étranges.

KUMS : (il rit) C’était à une semaine de la fin du mercato. On devait affronter Shkëndija à Skopje le lendemain et j’étais dans la chambre avec Brian Vandenbussche lorsque Mogi Bayat m’a appelé. Selon lui, il y avait urgence. Il fallait que quelqu’un se rende le plus vite possible à Udine pour visiter la ville et les installations. Mogi y a envoyé ma femme et sa mère. Caroline m’a appelé par la suite, elle était enchantée.

C’est donc sur base de son rapport que tu as pris ta décision.

KUMS : On peut dire ça. Je n’ai parlé ni avec les dirigeants, ni avec l’entraîneur, Giuseppe Iachini. Caroline m’a montré des tas de photos et de vidéos. Pour elle, les installations étaient parfaites et la ville, très jolie. J’ai donc donné mon accord à Mogi à l’instinct. Quand on regarde bien mon parcours, on s’aperçoit que j’ai un petit côté aventurier.

Que savais-tu d’Udinese ?

KUMS : Que le club avait vécu une saison difficile mais qu’il était stable et que son bilan financier était positif. Je savais que Zico y avait joué, comme Alexis Sanchez et Antonio Di Natale. Enfin, que le stade est le mieux rénové d’Italie et il peut accueillir pratiquement autant de monde que la Ghelamco Arena. Depuis, j’ai découvert une région magnifique et j’ai déjà rencontré Johan Walem (qui a porté le maillot d’Udinese de 1997 à 2001, ndlr) à plusieurs reprises. On est même déjà allé manger ensemble. Il m’a raconté qu’il avait connu quelques mois difficiles au début mais qu’il s’était ensuite senti comme chez lui. Le style de jeu est beaucoup plus direct et plus tactique.

La plupart du temps, au lendemain d’un match, nous sommes libres. Caroline et moi en profitons pour nous évader un peu. On aimerait visiter Ljubljana. Le coin le plus étrange que nous ayons vu, c’est le lac de Fusine, dans les montagnes de Tarvisio. Nos GSM ne fonctionnaient plus, à cause de la température. C’est l’endroit le plus froid du Frioul. Le château de Miramare, à Trieste, est superbe aussi. Ou encore Cividale et Portopiccolo, à Duino. Je demande tout le temps à mes équipiers italiens de m’indiquer des endroits.

NOUVEAU SYSTÈME

Udinese a connu ses meilleurs moments entre 2011 et 2013, avec une quatrième, une troisième et une cinquième place. Par la suite, le club a terminé successivement treizième, seizième et dix-septième. Iachini, trop défensif, a été limogé après le 0-3 face à la Lazio, un bilan de sept sur vingt et un et une place dans la zone dangereuse. Il jouait en 4-3-2-1, tout devait passer par les flancs et l’équipe balançait de longs ballons dans le rectangle alors que tu préfères dicter le tempo et trouver les ouvertures. Ce n’était pas difficile à vivre ?

KUMS : C’est plus facile maintenant. On essaie de combiner en triangles. Le niveau est plus élevé que jamais. C’est plus physique et plus impulsif, aussi. En plus, j’étais habitué à jouer dans une équipe qui avait le ballon pendant 70 % du match alors qu’à Udinese, on dépasse à peine les 40 % de possession.

Ça devait être difficile pour toi qui es considéré comme le lien entre la défense et l’attaque.

KUMS : C’est évident que je préfère toucher plus souvent le ballon. Ici, il y a surtout plus de duels. Il faut aller au charbon.

Mais dans le 4-1-4-1 de Luigi Del Neri, tu es le seul médian défensif.

KUMS : Ça demande un temps d’adaptation. Je suis content de jouer et je peux remplir ce rôle mais ce n’est pas ma meilleure place car je suis moins souvent dans le rectangle adverse. La saison dernière, j’ai inscrit quatorze buts, j’étais plus décisif. Contre Pescara, à domicile, j’ai joué un cran plus haut. Ça a peut-être été notre meilleur match et le mien en particulier.

Face à l’AS Roma, on t’a souvent vu rappeler tout le monde en perte de balle. Ta mission est avant tout défensive ?

KUMS : Oui, je dois rester dans le rond central et diriger, veiller à l’organisation. A Gand, je savais que Renato Neto ferait ce travail si je montais. Ici, j’essaye avant tout de coacher et de fermer le bloc autour de moi.

Delneri a déjà 66 ans mais les journalistes italiens affirment qu’ils ne comprennent toujours rien à ses explications.

KUMS : C’est vrai ? (il rit) Évidemment, je ne parle pas très bien l’italien et personne ne parle anglais. La plupart du temps, c’est Cyril Théréau qui traduit. Ma femme et moi avons deux fois une heure et demie de cours d’italien par semaine. Et au club, j’ai encore droit à deux fois une demi-heure.

N’empêche que tu as eu 82 % à ton premier examen.

KUMS : Caroline est meilleure que moi, elle ose parler plus spontanément et n’a pas peur de faire des fautes. Moi, quand je vois que quelqu’un parle anglais, je change de langue. C’est bête, je sais.

Gianpaolo Pozzo a dit qu’il t’avait transféré pour que tu serves de guide à de futurs grands joueurs comme Seko Fofana et Andrija Balic.

KUMS : C’est vrai ? Je n’en savais rien. Fofana, pas besoin de le diriger car il se débrouille déjà très bien. C’est un futur crack. Je n’ai pas non plus l’impression d’être le patron comme à Gand où, quand je demandais le ballon, je le recevais neuf fois sur dix. Ici, ce n’est pas encore automatique. On joue souvent le contre. J’ai toujours su anticiper mais ici, c’est plus difficile, en raison de la place que j’occupe sur le terrain. J’aime qu’on fasse le pressing, qu’on pousse l’adversaire à la faute. Mais si je fais ça, je crée de l’espace dans mon dos. Car si je quitte ma position, il n’y a plus personne.

PROFESSIONNALISME

Qu’est-ce qui t’a le plus surpris au cours des ces premiers mois à Udinese ?

KUMS : Le nombre de personnes qui travaillent chaque jour pour le club. On a huit kinés dont trois au fitness, trois médecins. Il y a des gens qui contrôlent les cardiofréquencemètres et voient si on récupère suffisamment. Fofana dit que, même à Manchester City, il n’a pas vu autant de professionnalisme. Chaque jour, on a droit à un repas buffet. On peut même reprendre des choses à la maison. Il y a une crèche pour les enfants. Dès la fin de l’entraînement, les bains de glace et la salle de fitness sont prêts, on peut prendre du thé ou des fruits. On n’a vraiment qu’à penser au football. Je n’avais jamais vu autant de possibilités. On est aux petits soins pour nous pour qu’on soit en forme au coup d’envoi. C’est un club familial. Lorsque mes parents, mes beaux-parents ou des amis viennent me rendre visite, ils peuvent venir à l’entraînement. Ils font vraiment tout pour qu’on se sente bien. Même lors des mises au vert, on a le droit de rentrer chez nous pendant deux heures. Y compris quand on joue en déplacement.

Le Corriere dello Sportdit que tu apportes du calme à l’équipe. On t’a surnommé, l’arpenteur, en raison de la précision de tes passes.

KUMS : C’était sans doute après le match face à la Juventus, où on a joué franc jeu. On a perdu 2-1 mais on a bien joué et on a rivalisé. Quand c’est comme ça, on peut poser des problèmes à beaucoup d’équipes, y compris les candidates au titre.

Tes statistiques personnelles sont encourageantes pour quelqu’un qui joue dans une équipe défensive. Tu es le cinquième joueur qui a le plus de temps de jeu derrière le gardien Kamezis, les Brésiliens Danilo et Felipe et l’attaquant Zapata ; tu as réussi 87 % de tes passes et tu es le meilleur défenseur de l’équipe avec Marco Faraoni.

KUMS : C’est même moi qui ai effectué le plus de tacles en Serie A : 3,8 par match, je crois. C’est fou, non ? (il grimace) C’est aussi typique du football italien. Je tire les coups francs mais j’aimerais tout de même être plus décisif, inscrire des buts et délivrer des assists.

Dans quelques mois, tu seras à Londres.

KUMS : Oui mais, avant ça, on tente de profiter au maximum de notre séjour ici. On ne pense pas à Watford. On verra bien ce qui va se passer car en football, c’est dangereux de tirer des plans sur la comète.

PAR FRÉDÉRIC VANHEULE À UDINESE – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Je n’ai pas encore l’impression d’être le patron comme à Gand.  » SVEN KUMS

 » A Heerenveen, personne ne venait me voir. Ici, tout le monde veut venir.  » SVEN KUMS

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