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Le football reste un univers machiste et misogyne

Ils sont une poignée de joueurs de football français à avoir fait leur coming-out sur des millions de pratiquants. Figures emblématiques, l’ex-professionnel Olivier Rouyer et l’amateur Yoann Lemaire illustrent l’invisibilité des homosexuels dans le sport roi.

« Dans le foot, rien n’a changé entre mon époque et aujourd’hui. On tourne en rond », peste Olivier Rouyer, ancien international, 61 ans, qui a participé à la Coupe du monde de 1978. Être homosexuel, « ça reste tabou, c’est quelque chose de honteux ».

Cet ancien coéquipier de Michel Platini désormais consultant télé a attendu 2008, 22 ans après avoir raccroché les crampons, pour se déclarer. « C’était peut-être un peu tardif. Ça s’est fait comme ça. Il n’y a pas de gloire ».

Yoann Lemaire a fait le même choix en 2004, alors qu’il était encore actif au FC Chooz (est). « Je vivais super mal de toujours mentir aux autres. Alors au lieu de parler de filles, je me suis dit que j’allais parler de mecs ».

Résultat, ce libéro titulaire en équipe première se retrouve progressivement remplaçant en équipe C. Puis il est « viré » de son club, selon ses termes. Ancien anonyme devenu un personnage public, il retrouve un employeur. Le dimanche, sur les terrains, « je me fais régulièrement insulter », raconte-t-il.

Yoann Lemaire connaît une dizaine d’autres footballeurs amateurs gays. Aucun d’eux n’est sorti du placard. « Au vu de mon expérience, ils ont eu raison de se taire ».

Les ressorts de la dissimulation sont identiques chez les pros. Les auteurs d’un rapport sur les discriminations dans le sport, paru en 2013, expliquent que les footballeurs craignent de « mettre leur carrière en péril » avec un coming-out. Ils avaient rencontré « un footballeur professionnel de haut niveau », dont un sponsor avait « exigé qu’il s’affiche au bras d’une femme pour désamorcer les rumeurs ».

Dans un sport où « nous faisons les durs et les forts », « nous avons peur de ce qui pourrait se dire », avance l’attaquant Antoine Griezmann, interrogé en juin par le magazine espagnol Icon. « Je crois que je le ferais » (un coming-out, NDLR), ajoute-t-il, reconnaissant que « c’est plus facile à dire quand on n’est pas concerné ».

« Univers machiste et misogyne »

En 2013, une étude réalisée en France auprès de 250 professionnels et jeunes évoluant en centres de formation montrait que respectivement 41% et 50% d’entre eux avaient déclaré « des pensées hostiles envers les homosexuels ».

Une attitude qui trouve son pendant dans les insultes homophobes employées par le public des tribunes pour désarçonner l’adversaire, au grand dam des associations qui demandent des sanctions.

« Pour nous, +pédé+, c’est comme +connard+. C’est un terme vexant, injurieux. L’invective n’est pas envers la communauté homosexuelle », explique à l’AFP Michel Tonini, le président des Yankees, un groupe de supporteurs de l’Olympique de Marseille.

Tout cela est « très présent dans toutes les tribunes françaises », un univers « profondément machiste et misogyne », où l' »on cherche à questionner la virilité de l’adversaire » pour le « déstabiliser », analyse le sociologue Ludovic Lestrelin.

Pour les joueurs, la Fédération française de football a adopté un nouveau barème de sanctions en mars. Tout « propos, geste ou attitude » homophobe est désormais passible de 10 matches à 5 mois de suspension.

Et la Ligue de football professionnel a déjà sanctionné certains clubs après des banderoles homophobes en tribune.

Si certains pays (Norvège, Suède, Pays-Bas, Canada, États-Unis) sont à la pointe de l’acceptation dans le ballon rond, l’invisibilité des homos reste la norme.

L’international allemand Thomas Hitzlsperger s’est déclaré en 2014, une fois retraité, pour « faire avancer la question de l’homosexualité dans le sport professionnel ». Avant lui, l’Américain Robbie Rogers et le Suédois Anton Hysen avaient franchi le pas.

L’Anglais Justin Fashanu a été le premier footballeur à faire son coming-out, en 1990. Attaqué de toutes parts, exclu de l’entraînement à Nottingham Forest, puis accusé d’agression sexuelle aux États-Unis en 1998 (les charges seront abandonnées faute de preuves), il s’est suicidé peu après.

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