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La gachette Luca Toni mitraille encore et toujours

Stagiaire Le Vif

Auteur d’un doublé dimanche face au Napoli de Dries Mertens, Luca Toni continue d’écrire son histoire. A bientôt 38 ans, l’attaquant de pointe du Hellas Verone régale encore et toujours dans « son » Calcio. Après avoir récemment atteint la barre des 300 buts en pro, il est cette saison, avec 13 buts au compteur, toujours une des meilleures gâchettes d’Italie.

Les hommes sont comme les vins : avec le temps, les bons s’améliorent et les mauvais s’aigrissent. Aussi loin que dans la Rome antique, la rhétorique de Cicéron était déjà inspirée. En Italie, contrairement à d’autres championnats majeurs, on cultive le goût pour les vieux briscards. Dans la Botte, le talent n’a pas d’âge. Il suffit de citer les Buffon, Di Natale ou Totti, tous en activité, pour s’en rendre compte. Luca Toni, moins connu que ces trois comparses, n’en reste pas moins l’un des buteurs les plus prolifiques que l’Italie ait connus.

Il y a des joueurs ou des carrières qui commencent à l’orée de la vingtaine. Luca Toni, né le 26 mai 1977, en est un des meilleurs contre-exemples. Toni, qui deviendra « Tonigol » quelques années plus tard, commence à faire parler de lui à 26 ans, pour le compte du club de Palerme. Avant de poser ses valises en Sicile, Toni a du ronger son frein. Après ses débuts à 19 ans dans son club formateur de Modena, Luca Toni évoluera à Empoli, Fiorenzuola, Lodigiani, Treviso, alternant entre la Serie C1 (3e division) et la Serie B (2e division). Il faudra attendre la saison 2000-2001 pour que les portes de la Serie A s’ouvrent à lui. Sa première saison est encourageante, 9 buts, mais son club de Vincenza est relégué. Transféré à Brescia, où il croisera un certain Pep Guardiola et la légende vivante Roberto Biaggo, il y plantera 16 roses en deux saisons. Son rendement jugé insuffisant, il est vendu à Palermo, le club du fantasque Maurizio Zamparini, connu pour changer d’entraineur comme de chemise. En série B, Luca Toni va porter son équipe à bout de bras. Avec 30 buts en 45 rencontres, il brigue le titre de meilleur buteur et est le grand artisan du titre en deuxième division. En football, on a coutume de dire que la deuxième saison, celle de la confirmation, est souvent la plus délicate. Avec son mètre 96 et son physique de déménageur, la délicatesse n’est pas son point fort. Il décide donc d’enfoncer les portes pour son retour en SerieA avec son club promu : 20 buts et une qualification historique pour la Coupe Uefa. Avec le sens du devoir accompli, il est temps pour Tonigol de revêtir une vareuse en adéquation avec son talent.

Soulier d’or et vainqueur de la Coupe du Monde 2006

Direction la Toscane et la ville de Florence. C’est avec la Fiorentina que le phénomène Luca Toni va se révéler au grand jour. Il confirme ses talents de buteur pour les tiffosi de la Viola. Il termine la saison avec 31 buts, ce qui fait de lui le meilleur artilleur de Serie A. Et lui permet par la même occasion de composter son billet personnel pour disputer la Coupe du Monde 2006 avec la Nazionale sur les terres allemandes. Avec son jeu dos au but et cette particularité d’attirer tous les ballons dans les 16 mètres, Marcello Lippi fera de lui le fer de lance de son attaque. Il marquera deux buts, en quarts contre l’Ukraine, et touchera deux fois l’équerre. Son entraineur dira de lui après ce doublé « nous l’attendions. Je lui avais d’ailleurs dit vendredi matin même: « tu vas marquer ». Avant, c’était juste une question de centimètres quand ça passait à côté. Je suis vraiment heureux, très fier de mes joueurs, surtout pour Luca qui mérite de marquer et ne l’avait pas fait encore dans ce tournoi. » Il revient à Florence avec la Coupe du Monde dans ses valises, la plus belle ligne de son palmarès. Il fera une deuxième saison plus que correcte avec la Viola, scorant 16 fois en 29 matchs.

De « Tonigol » à « Numero uno »

C’est alors que le Bayern Munich, machine à titres, décide de le faire signer pour 4 ans. Il ne restera que deux ans et demi, la faute à des embrouilles à répétition entre lui et son coach de l’époque, un certain Louis Van Gaal. Une anecdote croustillante sera d’ailleurs révélée par le géant Toni, pour mieux cerner le personnage. Pour prouver à ces cadres qu’il n’a pas peur d’eux et que tout le monde jouit du même statut, il n’hésitera pas une seconde à baisser son pantalon devant tout le groupe, pour prouver qu’il « en a dans le slip ». « Heureusement, je n’ai pas vu grand-chose, je n’étais pas au premier rang ! » dira Toni à ESPN. Il réusira à planter 38 buts en 60 matchs de Bundesliga. Mieux, les Munichois l’adoptent : en Bavière, on a adulé le « Numero uno. »

La célébration
La célébration « folle » de Luca Toni, un grand classique pour cet attaquant qui restera au panthéon des meilleurs buteurs italiens.© –

Avec un doublé Coupe-championnat, il marquera d’ailleurs les deux buts de la finale face à Dortmund, il est temps pour Luca de revenir à ses premières amours, les pelouses du Calcio. De 2010 à 2012, Toni va déchanter. Pour le compte de la Roma, du Genoa et de la Juventus, 10 petits buts viennent se rajouter à sa collection de roses en 45 matchs. On est bien loin de ses standards de renard des surfaces. A 34 ans, Luca se décide de rejoindre le club d’An Nasr et les Emirats Arabes Unis en janvier 2012, sans doute pour remplir une dernière fois son compte en banque, et terminer sa carrière en trottinant.

Drame humain et renaissance

L’aventure tournera court pour Luca Toni. Alors que sur les terrains, il remplit son contrat (7 buts en 14 matchs), c’est l’extra-sportif qui va le freiner et le pousser à partir. Sa famille, ses amis, c’est toute son Italie qui lui manque. Il déclara au mensuel So Foot : « Si je pouvais revenir en arrière, je n’irais pas à Dubaï. Moi, ce qui me plaît, c’est le vrai football, et ça, ça ne l’est pas. Le lieu est beau, l’atmosphère non. » C’est surtout un drame humain qui va le décider à rentrer à la casa : la perte de son enfant le jour de sa naissance. Une tragédie qui va bouleverser Toni et sa femme Marta. « J’ai à ce moment-là pensé à arrêter, pour passer plus de temps avec ma femme. Mais elle ne me supportait plus. C’est ainsi que je me suis remis à jouer, que j’ai pensé à terminer ma carrière sur une note positive. Et si je suis ici, c’est aussi parce que Marta a toujours apprécié cette ville. » Cette ville, c’est Florence. Celle qui a vu naître le buteur et l’homme que le grand public connait, désormais.

Il n’y vient pas pour se tourner les pouces ou pour fêter son jubilée, ce qu’il veut, c’est « jouer, marquer et aider l’équipe. » Il tiendra promesse avec 8 buts en 27 matchs. On se dit alors que la boucle est bouclé pour le génial italien. Que nenni. Il prendre toute la Botte à contre-pied pendant l’été 2013 et s’engage pour deux saison au Chievo Verone, modeste formation de Serie A. En s’installant à Vérone, il espère du temps de jeu et se permettra même de jouer les grands frères. « Mon rôle à Vérone est d’être un point de référence pour ces plus jeunes qui peut-être réussiront grâce à mes conseils. Les plus intelligents s’en sortiront. » Depuis, tous les signes sont au vert pour l’attaquant. Depuis sa signature, 33 buts sont venus se rajouter à sa collection « Serie A » et il a dépassé la barre des 300 buts dans sa carrière (un honneur que seuls 7 autres « grands » Italiens ont connu : Piola, Meazza, Baggio, Del Piero, Inzaghi, Totti et Di Natale). Sa carrière est à l’image de sa célébration que nous connaissons tous, folle. Joueur lambda jusqu’à ses 25 ans, il enchainera par un titre de meilleur buteur de Serie B, de Serie A, de Bundesliga et sera consacré Soulier d’or européen en 2006 devant des pointures comme Henry ou Eto’o. Avec un titre de Champion du monde, cerise sur le gâteau, déjà bien garni du gourmand buteur. L’origine de sa célébration remonte à son époque du Palermo. « Ma main droite entoure l’oreille et bouge de manière circulaire, c’est une manière de renforcer la prouesse du but, un peu comme si je disais : « Tu as vu ce que j’ai fait pour toi ? Tu as aimé ? C’est beau ? » J’ai commencé à faire ça pour rire à Palerme et, comme ça m’a porté chance, j’ai continué à le faire« . Oui Luca, on a toutes et tous vu. Les prouesses d’un des derniers représentant d’une race en voie de disparation, le « vrai » buteur, à l’ancienne.

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