Jacques Sys

Infantino ou le triomphe du réserviste

Jacques Sys Jacques Sys, rédacteur en chef de Sport/Foot Magazine.

Sans la chute de Michel Platini, le destin du Suisse Gianni Infantino aurait été tout autre.

C’était par une chaude journée, fin août, à Monaco. Dans le cadre du tirage au sort de la Ligue des Champions, Michel Platini, le président de l’UEFA, avait invité la presse, en spécifiant qu’il ne piperait mot d’une candidature éventuelle à la présidence de la FIFA. Il avait paré toutes les questions portant sur ce thème, un sourire triomphant aux lèvres, le sourire d’un homme prêt à gouverner le monde du football.

Le secrétaire général, Gianni Infantino, était à ses côtés, volant à son secours quand certaines questions requéraient trop de détails. Par exemple pour expliquer comment on avait fait diminuer la dette des clubs européens. Infantino expliquait tout plus précisément que Platini. C’était connu au sein de l’UEFA: Infantino est un inlassable travailleur, il possède une connaissance approfondie des dossiers et n’éprouve pas le besoin d’être sous les feux de la rampe.

Pourtant, la veille, l’homme avait donné une autre impression, en vivant son haut fait annuel : celui de maître de cérémonie du tirage au sort de la Ligue des Champions. Il s’était alors exécuté avec aplomb. Une panne technique, un ex-footballeur qui n’arrivait pas à ouvrir les boules, une plaisanterie avec la présentatrice, Infantino était imperturbable et toujours souriant.

Gianni Infantino avait-il imaginé le coup d’accélérateur qu’allait prendre sa carrière ? Quand Sepp Blatter a entraîné Michel Platini dans sa chute, l’UEFA l’a avancé comme candidat à la présidence de la FIFA. Infantino était un réserviste. Reste à voir s’il est l’homme qu’il faut à la FIFA pour entrer dans une ère nouvelle. Le juriste suisse est un représentant de l’ancien système, au sein duquel il a grandi. L’UEFA n’est pas plus que la FIFA un modèle de modernité. En proposant une Coupe du Monde à 40 nations, Infantino semblait suivre l’idée de son patron, Michel Platini, qui a concrétisé ce projet en Europe. Il se moque de la crainte d’une surcharge encore accrue des footballeurs : il faut faire des promesses pour être élu. Triste constat.

Le rôle du nouveau secrétaire général sera crucial.

Pourtant, Gianni Infantino, même s’il n’est pas irréprochable, est plus crédible que celui qui était considéré comme le grand favori, le Cheik Salman, qui serait impliqué dans des atteintes aux droits de l’homme à Bahreïn. Il faut maintenant que la FIFA se réforme mais paradoxalement, le rôle d’Infantino, considéré ici et là comme le chevalier blanc, sera très minime. C’est un conseil de 37 personnes qui va déterminer la stratégie. Le rôle du nouveau secrétaire général sera crucial. Il risque de conférer un caractère moins prégnant à la fonction d’Infantino. Les initiés doutent que le Suisse s’en accommode.

La FIFA ne peut pas se permettre de ne pas appliquer les réformes annoncées et de ne pas mettre la théorie en pratique. Alors que de nombreuses enquêtes sont en cours et que la justice américaine analyse toutes les malversations, le monde entier, sponsors y compris, va regarder comment la FIFA implante ses nouveaux principes. Reste à voir comment ça va fonctionner dans une fédération composée de membres de la vieille garde. Ce n’est pas en engageant un nouveau président qu’on modifie tous les modes de pensées et qu’on se fait transparent, d’autant que la fédération mondiale de football n’a pas voulu se lancer dans une vaste opération de nettoyage.

Le rôle du nouveau secrétaire général sera de toute façon très important. La FIFA a tout intérêt à recruter une personne forte et indépendante, quelqu’un qui n’est pas issu de la grande famille du football. Bizarrement, à Zurich, on n’en a parlé qu’en marge de l’élection.

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