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Diables Rouges : travaux pratiques en architecture

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Analyse de la prestation des Diables face à la Finlande.

L’arbitre siffle, et les Finlandais envoient un long ballon vers le point de corner. Le ton est donné. Les Diables vont affronter une équipe de rugby, avec des muscles, un maul compact pour protéger son rectangle et des chandelles pour gagner du temps et des mètres sans s’encombrer d’une possession qui pourrait les désorganiser. Le sparring-partner est idéal, même si le 4-4-2 attendu est finalement une défense à cinq. Le sélectionneur finlandais sait parfaitement contre qui il joue : inutile de renforcer les flancs quand l’adversaire présente des latéraux qui n’en sont pas, autant fermer l’axe à double tour. Les Diables n’en trouveront jamais la clé.

La pièce manquante

La Belgique va devoir construire. Et le problème reste toujours le même : dans sa sélection à quatre milieux de terrain, Marc Wilmots n’a pas emmené d’architecte. Axel Witsel décroche hors du bloc finlandais pour toucher des ballons, mais ne donne que trop rarement un ballon pour casser une ligne. Fellaini, lui, s’échappe le plus loin possible du cuir pour poser ses centimètres aux côtés d’un Batshuayi déjà sevré de ballon. Et entre ces deux lignes-là, il n’y a plus personne. À part des Finlandais. Alderweireld tente ses transversales, mais est trop proche de la craie pour trouver le côté opposé avec assez de précision. Le jeu est endormi, comme si la pluie rendait les pieds plus lourds alors qu’elle aurait dû rendre le ballon plus rapide. La défense fait tourner, mais n’avance jamais balle au pied pour provoquer la sortie du bloc d’un Finlandais. La conduite de balle qui finit par attirer l’adversaire, c’est pourtant le premier pas vers le décalage créé par la possession qui doit suivre.

Alors qu’il devait s’occuper de la décoration d’intérieur, Hazard est obligé d’intervenir plus tôt et enfile le costume d’architecte. Le numéro 10 trace des lignes courbes, celles de ses dribbles, pour percer le bloc scandinave. Mais il manque toujours un peu de précision, ou de présence, ou les deux. Quand il reçoit le ballon, Eden est souvent seul, dos au but, et pressé. L’action s’arrête, le ballon meurt, et le jeu de jambes d’Hazard ne suffit pas à le ranimer. L’architecte improvisé décide alors de sortir du bloc finlandais pour manger les ballons que Witsel recrache inlassablement vers ses défenseurs, et multiplie les ouvertures sur des latéraux de plus en plus aventureux. Les premiers centres arrivent, souvent grâce à la présence de De Bruyne pour créer le surnombre sur un flanc. Injoignable dans l’axe, KDB décide aussi de contourner le mur finnois pour respirer. Nos deux stars sont les seuls capables de trouver un joueur entre les lignes. Le problème, c’est qu’ils sont aussi ceux qui sont censés y être pour les réceptionner.

De plus en plus audacieuse, la Belgique s’installe entre la ligne médiane et le rectangle adverse, qui semble presque inaccessible autrement que par les airs. Le problème, c’est qu’elle oublie de presser pour faciliter l’équilibre de sa défense qui a un précipice derrière ses talons. Fellaini, censé apporter du volume et des muscles, ne récupère que trois ballons sur l’ensemble du match. Derrière, Witsel ramasse les restes quand les Finlandais ont déjà refermé leurs trois lignes défensives.

Excédés, impatients, les hommes décident parfois de danser au pressing sans coordination. Sans chorégraphie, le spectacle tourne à la tragicomédie : Origi pense qu’il est dans le Liverpool de Klopp et va presser trop haut, trop loin. De Bruyne suit le mouvement, mais les autres sont à l’arrêt. Le flanc gauche finlandais se régale, le bloc belge est démantelé et Vermaelen ne peut même pas voir Hamalainen apparaître dans son dos. Sur les dix derniers buts encaissés par les Diables, neuf sont passés par les flancs. Le dernier était un penalty…

Une maison toujours en travaux

Le patient belge est au plus mal. L’électrocardiogramme est à plat, et Wilmots sort son défibrillateur : Mertens et Benteke montent sur le terrain. Des ballons sur les flancs, des dribbles et des centres. Witsel donne le ballon de gauche à droite, les latéraux débordent, Mertens élimine sur les côtés et balance dans le rectangle où Benteke et Fellaini placent leur front. Marouane trouve enfin son utilité dans le rectangle, après avoir ralenti la possession par le manque de finesse technique de ses enchaînements contrôle-passe. Hazard, obstiné, tente encore de créer des décalages à l’intérieur du jeu, que le reste de ses équipiers ont décidé de déserter depuis longtemps. Eden, sans doute, est conscient du fait que seules huit reprises de la tête hors du petit rectangle sur cent terminent leur course au fond des filets. Mais la Belgique a décidé d’arroser le rectangle, et Lukaku relaie Fellaini pour finalement trouver l’ouverture avec la complicité du gardien finlandais.

L’honneur est à peu près sauf, mais le jeu reste un chantier désordonné, sans architecte pour distribuer les ordres et les ballons. Une maison en travaux où Lukaku se charge d’embellir les finitions pour masquer les défauts de fabrication. Les Diables en viennent à espérer le retour de Nainggolan, démolisseur de lignes reconverti en chef de chantier sous le maillot national, pour tracer proprement leurs idées dans la moitié de terrain adverse. Pendant ce temps, Sven Kums donne sans doute des cours d’été en fac d’architecture.

Par Guillaume Gautier

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