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Comment Bolat a quitté le Standard pour Porto

Gardien aux exploits légendaires, le divin chauve du Standard, Sinan Bolat, a rejoint Steven Defour et Eliaquim Mangala au Portugal : retour sur une étonnante saga.

L’Estádio do Dragão est le nouveau et magnifique théâtre de Sinan Bolat. Libre comme l’air, il a signé un contrat de cinq ans au FC Porto. Après une longue traversée du désert, le gardien de but belgo-turc a pris l’ascenseur vers le top européen. Porto, c’est une institution, une tradition, un palmarès de toutes les couleurs. Avec la venue de Bolat, 25 ans, le coach du Futebol Clube do Porto, Paulo Fonseca, a une solution intéressante pour remplacer le gardien brésilien Helton (35 ans) qui sera en fin de contrat au bout de la saison en cours.

Les Portugais ont réalisé une affaire en or car on ne trouve pas un portier de ce niveau sous le sabot d’un cheval. Acheté 150.000 euros à Genk en 2008, Bolat a signé assez d’exploits à Sclessin pour valoir une fortune : si ce n’était pas le cas, Porto ne l’aurait pas engagé. Le Standard est-il le dindon de la farce dans cette affaire ? Il y a tout lieu de le croire et, discret, Lucien D’Onofrio doit se frotter les mains. Le public de Sclessin a cru au retour de son keeper chéri et le voici dans un des jardins de D’Onofrio. Ancien patron sportif de Porto, qu’il propulsa sur le toit du monde avec Artur Jorge et Tomislav Ivic à la fin des années 80, Luciano a plus que ses entrées à Porto : il y est chez lui.

On imagine que Roland Duchâtelet aurait préféré que Bolat prenne le chemin de l’Angleterre, de la Turquie, de la Sibérie ou de la Bessarabie. D’Onofrio a observé de loin la lente détérioration du climat entre le Standard d’un côté, Bolat et son agent Kismet Eris de l’autre. Puis, il a sorti la carte de Porto : un cadeau du ciel que Bolat ne pouvait pas refuser. Même s’il y a eu d’autres offres, il n’a plus joué depuis un an et demi. Les clubs intéressés ont peut-être hésité, Porto pas car Lucien D’Onofrio mesure depuis longtemps la classe de Bolat.

D’Onofrio est le maître du jeu comme ce fut le cas pour Steven Defour et Eliaquim Mangala. Sans son soutien, les trois anciens Standardmen ne seraient pas à Porto.  » Il est quand même étonnant que Bolat se retrouve dans le giron de D’Onofrio « , a-t-on entendu à Sclessin.  » Du temps de l’ancienne direction, il n’a eu droit à aucune révision de son contrat. Par contre, c’était différent pour Defour : chaque fois qu’il sortait du bureau de Lucien, c’était avec une augmentation de salaire.  » Or, Bolat était, tout autant que Defour, une des pierres angulaires des Rouches. Deux de ses exploits restent gravés sur toutes les rétines. Le 16 mai 2009, il arrête un penalty en fin de match à Gand et cela permet à son club d’arracher des tests-matches pour le titre (contre Anderlecht) qui tombera dans l’escarcelle des Rouches.

Quelques mois plus tard, le 9 décembre 2009, Bolat marque un but de la tête contre AZ Alkmaar en Ligue des Champions et qualifie le Standard pour les poules de l’Europa League. Il est de l’aventure en 2010-11 avec une deuxième place en championnat et un succès en finale de la Coupe de Belgique contre Westerlo (2-0). C’est dire si Bolat a du mérite aux yeux des supporters pour qui il est l’égal des Jean Nicolay, Christian Piot, Michel Preud’homme, Gilbert Bodart et Vedran Runje. La roue tourne au hasard de deux blessures au genou. Le ton est monté et Jean-François de Sart nous précise :  » Le Standard a proposé un contrat revu à la hausse à Bolat. Mais nous avons constaté que nos offres ne l’intéressaient pas. Il n’a jamais eu l’intention de rester chez nous. « 

Kismet Eris préfère garder le silence pour le moment :  » Je parlerai plus tard mais une chose est sûre, j’ai entendu beaucoup de mensonges.  » Kismet Eris n’est plus en odeur de sainteté à Sclessin depuis l’affaire Christian Benteke. L’agent a guerroyé pour son joueur, que le Standard n’a pas pris au sérieux. La suite est connue : sans avenir à Sclessin, il en trouve un à Genk et à Aston Villa. Acquis pour un million d’euros par les Limbourgeois, il est cédé pour 8,5 millions aux Anglais. La différence est considérable. Négligé au Standard, Benteke est devenu une star de la Premier League. Cela a laissé des traces qui ont joué dans le cas de Bolat.

Contacts discrets entre Bolat et le Standard

 » Le Standard a été correct avec Bolat « , insiste de Sart.  » Quand il a demandé de poursuivre sa rééducation à Fulham en vue d’un transfert, nous lui avons tout de suite donné notre accord. C’était prévu pour 15 jours mais il y est resté bien plus longtemps. A la fin, comme rien ne bougeait, nous avons rappelé Bolat qui était sous contrat au Standard.  » Fulham opte pour Maarten Stekelenburg et Duchâtelet pousse Bolat dans les oubliettes de Sclessin malgré le manque de brio d’Eiji Kawashima. Même Mircea Rednic n’y peut rien : il sait que Bolat peut lui apporter quelque chose en championnat. Pour Duchâtelet, c’est non. D’Ono attend…

La partie de bras de fer se poursuit. Bolat ne cède pas et attend la fin de son contrat. L’attente est d’autant plus longue qu’il avait espéré partir en janvier 2013. En juin, Bolat est libre mais n’a pas de nouveau club. La recherche semble vaine même si fleurissent les noms de Besiktas, Galatasaray, Fenerbahçe, Kayserispor. Il y a de quoi douter de tout et de son avenir. Duchâtelet y voit-il une ouverture pour réaliser un coup fumant et continuer son opération séduction ? Il y a eu des contacts discrets, c’est certain, mais le grand patron du Standard n’a pas tardé à se rendre compte que Bolat était désormais trop cher pour son club. C’est en janvier qu’il fallait trouver une solution.

Porto, dit-on, se méfiait de plus en plus de la générosité retrouvée de Duchâtelet. Le Portugal (Lucien D’Onofrio) est alors sorti du bois pour faire ses courses à Sclessin et acquérir Bolat au nez et à la barbe de Duchâtelet. Bolat pourra enfin rattraper tout le temps perdu. D’autre part, Kawashima sera plus à l’aise sans l’ombre d’un gardien chauve au-dessus de sa cage. Bolat est parti, le Standard est en tête du championnat : c’est le début d’une nouvelle histoire.

Par Pierre Bilic

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