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Combattre le machisme avec un ballon rond

Guadalupe Garcia est peu allée à l’école, a commencé à travailler comme domestique et était destinée à un mariage précoce. Mais cette indigène mexicaine a défié sa communauté en jouant au football, et fait du ballon rond un outil d’émancipation et de lutte contre le machisme.

En tant que jeune femme, elle n’était pas autorisée à pratiquer ce sport dans la communauté mazahua de San Juan Coajomulco, dans l’Etat de Mexico. Elle a fait de son entrée sur le terrain un « acte de révolte » et formé derrière elle des centaines de jeunes filles de la région. Cette petite femme de 34 ans au physique athlétique et aux yeux rieurs dirige aujourd’hui un club de football féminin et aide les jeunes filles à renforcer leur confiance en elles malgré le machisme ambiant et les nombreuses violences faites aux femmes au Mexique.

Un problème qu’elle connaît bien. « Ma mère est devenue orpheline à 11 ans quand mon grand-père a tué à coups de poing ma grand-mère », raconte-t-elle. Quant à son père, il était alcoolique et a forcé deux de ses filles à se marier à l’âge de 14 et 15 ans.

Dans l’Etat de Mexico où Guadalupe Garcia vit, proche de la capitale du pays, le nombre de meurtres de femmes est le plus élevé du pays. Au moins 263 femmes y ont été assassinées en 2016, selon l’Observatoire national citoyen des féminicides. Parfois, des cadavres sont retrouvés abandonnés dans des champs ou flottant dans les eaux usées de la ville, après que ces victimes ont été violées, mutilées, leur corps parfois carbonisé.

– Pas touche,  »est mon corps –

La trentenaire a lancé son programme il y a deux ans et a déjà formé environ 300 jeunes filles. A travers le football, elle leur instille la confiance et une idée simple, valable pour la vie: « C’est mon corps et personne ne le touche si je ne le veux pas », résume-t-elle.

Guadalupe Garcia Alvarez
Guadalupe Garcia Alvarez© AFP

Le football féminin reste encore très mal vu dans cette petite communauté indigène où les filles quittent très tôt l’école pour se marier. Beaucoup de familles refusent que leur fille « ouvre les jambes » en courant sur un terrain.

« Nous devons nous soutenir! », lance la coach aux 25 joueuses âgées de 16 à 26 ans qu’elle entraîne avant un match contre une école privée de Toluca (centre). Le match, sur un terrain entouré de champs de maïs desséché, s’achèvera par une défaite sans appel (4-1), mais l’important n’est pas là.

– Combattre le machisme –

Guadalupe Garcia est l’une des principales intervenantes du Forum des femmes pour l’économie et la société (Women’s Forum for the Economy and Society) organisé à Mexico les 8 et 9 novembre.

Elle s’est battue depuis sa jeunesse. Si ses deux soeurs ont été contraintes de se marier à l’adolescence, elle a été envoyée travailler comme domestique. « Mais j’aimais lire et cela m’a permis de découvrir autre chose », se souvient-elle. « Devenue désobéissante », elle a été renvoyée de son travail. C’est là qu’elle a commencé à jouer au football dans des clubs amateurs. « Cela m’a permis de ne pas tomber enceinte adolescente, ni d’avoir ensuite à me marier trop jeune », raconte-t-elle.

Elle s’est finalement mariée à 23 ans et a désormais deux enfants. Sa passion pour le football reste intacte. Et son programme est désormais soutenu financièrement par des ONG mexicaines.

Guadalupe Garcia se targue d’avoir débusqué certains talents, même si l’objectif premier de son club n’est pas de gagner des matches: quatre des jeunes filles qu’elle a formées jouent désormais dans des clubs privés qui financent leurs études, leur logement, leur nourriture.

L’une d’elles, Liliana Gonzalez, est la gardienne du Lioness FC à Metepec et a déjà attiré l’attention des sélectionneurs de l’équipe nationale mexicaine. Le football « est une façon de combattre le machisme », explique cette joueuse. « Simplement, nous utilisons un ballon. »

Rocio Lopez
Rocio Lopez© AFP

Rocio Lopez, 26 ans, autre « star » issue de la formation dispensée par Guadalupe Garcia, est ce jour-là l’auteure du seul but de l’équipe. Pendant la semaine, elle dirige un centre d’éducation indigène. « Les hommes découvrent que nous pouvons être aussi fortes qu’eux », commente la jeune joueuse avec un air de défi, la bouche maquillée au rouge à lèvres orangé. Si les hommes ont le droit de porter des shorts, alors nous aussi. S’ils peuvent frapper le ballon, alors nous aussi. »

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