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Christian Benteke : « Je dois devenir encore plus crevard »

Thomas Bricmont

Après plusieurs mois de galères, Big Ben est redevenu Bentegoal et vient d’inscire 8 buts lors des 6 dernières rencontres de Premier League. Entretien à coeur ouvert.

Ça n’a pas toujours été facile pour toi cette saison.

Oui, mentalement tu dois être fort. Être acteur et être privé aussi longtemps de ce que tu as de plus cher, je parle d’un point de vue professionnel, c’est compliqué à vivre. Heureusement, j’ai pu retourner en Belgique, être avec mes proches. Si j’avais été seul et que Villa m’avait obligé à rester à Birmingham pendant ma rééducation, ça aurait été une tout autre histoire.

Tu es fier de ton parcours jusqu’ici ?

Oui. Je sais d’où je viens. Ce petit bout de chemin que j’ai réalisé jusqu’à présent, je le dois à moi-même. Je n’ai pas été pistonné, on ne m’a pas mis sous les feux des projecteurs comme d’autres. Je viens de loin aussi car je n’ai pas eu une carrière classique.

Un drôle de parcours…

Oui. L’histoire, on peut toujours la refaire. Si j’étais passé par un centre de formation, que j’avais eu le temps, que je n’avais pas été surclassé si jeune, je serais peut-être aujourd’hui un autre joueur. Meilleur ou moins bon. La réalité, c’est que j’ai sauté les étapes plus vite que d’autres. Ça explique pourquoi j’ai trainé des lacunes. J’étais pro à 16 ans, je me suis formé avec des adultes. J’étais un jeune dans une vie d’adulte. J’ai eu cette chance de passer à la télé à 16 ans alors que d’autres du même âge galèrent. Mais je n’étais pas celui dont on était persuadé qu’il allait très vite faire carrière. Qui aurait prédit il y a quatre ans que j’allais m’imposer en Angleterre ? Personne.

C’est ce qui explique cette fierté ?

Je suis fier de tout ce que j’ai connu, des moments difficiles à ceux plus heureux. Dans toute mauvaise chose, on peut retirer des expériences positives. Quand on m’a prêté à Malines sans mon consentement lors du dernier jour du mercato, j’ai compris que le foot n’était plus un jeu mais un business. Pour parler vulgairement : il ne fallait penser qu’à sa gueule.

Tu ne penses qu’à ta gueule désormais ?

En quelque sorte. En tout cas, je ne me laisse plus influencer par les personnes extérieures. Si je dois prendre la meilleure décision pour moi et ma famille, je le ferai. A Genk, on me répétait que je n’avais pas le niveau pour l’Angleterre, que je n’étais pas prêt. Au final, j’ai eu raison de ne pas les écouter. Il vaut toujours mieux faire un choix qu’on assume entièrement à 100 %.

Tu kiffes ta vie en Angleterre ?

Oui. Tu peux tirer 10 mètres à côté, on va t’applaudir, même chose pour un tacle ou un changement d’aile. Et pourtant, ma femme me dit que quand je marque, je ne semble pas profiter totalement du moment. Mais je suis pas quelqu’un d’émotionnel, je suis quelqu’un de froid. Mais c’est vrai, je devrais davantage vivre ces moments car la carrière n’est pas éternelle.

Tu te sens respecté dans le foot anglais ?

Oui. Je ne suis pas le seul dans ce cas mais parfois, il faut s’exiler pour être considéré. Je pense que mon ratio but par match dans un club qui joue le maintien depuis trois ans est plutôt pas mal. Et je sens que les défenseurs me respectent, qu’ils me craignent.

Tu te considères comme un pur buteur ?

Non. Pour moi, un pur buteur, il rôde, il n’est présent que dans les 16 mètres. Je pense être plus complet, je peux dévier, combiner, jouer dans les petits espaces, je sais jouer au foot (sic). Je connais aussi ma tâche, je ne suis pas comme Kevin (De Bruyne) ou Eden (Hazard) qui sont capables de dribbler trois hommes. Je vais plutôt me mettre dans les dispositions afin qu’ils puissent briller.

En arrivant en Angleterre, tu disais devoir être « plus tueur devant le but ». C’est le cas aujourd’hui ?

Je dois devenir encore plus crevard, plus égoïste, devant le but. Ce n’est pas une critique mais le pire, c’est Cristiano Ronaldo. Lui c’est droit au but, c’est un canonnier. Moi, je ne suis pas comme ça, même si je pense avoir les qualités pour le faire.

Tu cogites de trop ?

Si je rate un match, je vais essayer de trouver le pourquoi du comment. Ça me trotte en tête. En Angleterre, ils ont cette culture de penser directement au match prochain, que tu aies gagné ou perdu. Et j’ai appris avec le temps à laisser derrière moi ce qui s’est passé.

Numéro 9, c’est le poste le plus compliqué dans une équipe ?

Je pense bien. C’est ingrat et, en même temps, ça peut être très gratifiant. Tu peux être pourri tout le match mais si tu marques à la fin, on ne retiendra que ça. Et l’inverse est vrai aussi. L’an dernier, je n’ai pas beaucoup marqué mais j’étais meilleur que lors de ma première saison en Angleterre où j’ai inscrit 17 buts.

Tu ne souffres pas trop des charges physiques ?

Tous les matches sont durs ici. C’est un combat perpétuel. Il y a des matches casse-pipe mais d’autres où ça passe. Mon corps tient le coup et je tiens bien sur mes jambes, on me bouge difficilement. Mais tout est question de mental. Tu peux être gringalet, si tu veux bouger quelqu’un tu peux le bouger.

Physiquement, tu te sens comment aujourd’hui ?

Je pense être revenu au bon moment. Mais comme je n’ai pas eu de préparation, j’ai souffert physiquement, surtout à la période du Boxing day. J’ai subi le contrecoup des efforts fournis. C’était trop. Quand le coach ( ndlr, Paul Lambert remplacé depuis février par Tim Sherwood ) m’a mis sur le banc face à Chelsea, j’étais fâché. Mais avec le recul, je dois reconnaître que ça m’a fait du bien.

Tu penses recevoir des offres en fin de saison ?

Oui. Mais ce n’est pas ce qui m’occupe pour le moment. Le but, c’est de se sauver pour l’instant. Avec comme cerise sur le gâteau, Wembley et les demi-finales de la Cup.

Ton avenir, tu le vois haut ?

Oui. Mon but était de rejoindre l’Angleterre, puis de mettre des buts, de me faire respecter, de me faire un nom. La prochaine étape, c’est côtoyer le sommet. Je ne suis pas très loin mais je ne me presse pas.

Par Thomas Bricmont, à Birmingham

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