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Blatter soupçonné d’avoir versé 2 millions de francs suisses à Platini

Les deux patrons du foot mondial sont dans l’oeil du cyclone: une procédure pénale suisse vise le président démissionnaire de la Fifa, Sepp Blatter, soupçonné notamment d’un « paiement déloyal » de 2 M CHF (1,8 M EUR) en faveur de Michel Platini, président de l’UEFA et favori jusqu’ici à sa succession.

Depuis le 27 mai et l’arrestation de plusieurs hauts responsables du foot mondial dans un hôtel à Zurich, sous l’impulsion de la justice américaine cette fois, sur fond de soupçons de corruption à grande échelle, la Fifa vit au rythme de scandales plus retentissants les uns que les autres. Vendredi après-midi, Blatter devait prendre la parole à 14h00 à l’issue du comité exécutif de la Fifa, le gouvernement du foot mondial, réuni depuis jeudi au siège de l’instance à Zurich. Mais l’intervention du Suisse de 79 ans a été repoussée une première fois à 15h00 avant d’être purement et simplement annulée, alors que 150 journalistes du monde entier s’étaient accrédités.

Quelques minutes plus tard, l’explication est venue d’un communiqué du Ministère public suisse (MPC): des enquêteurs ont « auditionné Joseph Blatter en qualité de prévenu » et « en parallèle, Michel Platini (également un des vice-présidents de la Fifa) a été entendu en qualité de personne appelée à donner des renseignements ». Le Valaisan, président de la Fifa depuis 1998 et qui avait remis son mandat à disposition jusqu’à de nouvelles élections le 26 février, est soupçonné par le MPC « de gestion déloyale et, subsidiairement, d’abus de confiance ». Blatter est tout d’abord accusé d’avoir « signé un contrat défavorable à la Fifa avec l’Union caribéenne de football (CFU), dont Jack Warner était le président. En clair, « Sepp » aurait vendu très en-dessous des prix du marché les droits de diffusion TV des Mondiaux-2010 et 2014 au sulfureux Warner (dont le nom revient dans tous les dossiers) en 2005, comme l’avait révélé le 12 septembre la chaîne de télévision suisse SRF.

Mais il est également « reproché à Joseph Blatter un paiement déloyal de 2 millions de francs suisses en faveur de Michel Platini au préjudice de la Fifa, prétendument pour des travaux effectués entre janvier 1999 et juin 2002 ». « Ce paiement a été exécuté en février 2011 », souligne la justice suisse, sans donner plus de détails et préciser donc la nature de ces travaux. Pendant que les journalistes attendaient en vain devant le siège de la Fifa, la justice suisse procédait, avec la police, à « une perquisition » au siège de la Fifa, et particulièrement au « bureau du président (Blatter) ». Des « données ont été saisies », a juste commenté le MPC, avant de conclure: « Comme tout prévenu, Joseph Blatter est présumé innocent ».

La Fifa s’est contentée d’indiquer dans un communiqué « coopérer avec la justice suisse depuis le 27 mai », et ne pas vouloir faire « d’autre commentaire tant que des enquêtes sont en cours ». Cette nouvelle déflagration judiciaire au sommet du foot mondial intervient une semaine après la dernière secousse. Le secrétaire général de la Fifa, Jérôme Valcke, avait été relevé de ses fonctions la semaine dernière, accusé par la presse britannique, sur dénonciation d’un consultant de l’instance mondiale, d’avoir touché des commissions sur une revente de billets au marché noir. Ce jeudi, alors que les travaux du comité exécutif avaient commencé, la justice suisse avait obtenu « sous conditions » de la Fifa (des conditions non explicitées) le déblocage et la livraison des mails de Valcke, pièce centrale des allégations. Et, pour que le tableau soit complet, ce vendredi encore, la justice trinidadienne a fixé au 2 décembre la date de l’audience sur l’extradition aux Etats-Unis de Jack Warner, un des anciens vice-présidents de la Fifa, figure de premier plan dans le scandale de corruption qui éclabousse la Fédération internationale. Cette instance s’en relèvera-t-elle un jour ?

Du Qatar au « Fifagate », cinq ans de crises à la Fifa

Des polémiques autour de la désignation du Qatar comme hôte du Mondial-2022 aux soupçons de corruption aboutissant à l’ouverture d’une enquête judiciaire visant Joseph Blatter, la Fifa a connu cinq années terribles pour son image entre 2010 et 2015.

2 décembre 2010: l’organisation du Mondial-2022 est confiée au Qatar (et celle du Mondial-2018 à la Russie). « C’est une mauvaise décision », lâche Barack Obama, le président des Etats-Unis, battus au 4e tour de scrutin par le Qatar.

11 mai 2011: l’homme d’affaires qatari Mohamed Bin Hammam, président de la Confédération asiatique de football et candidat à la présidence de la Fifa, rejette les suspicions autour du Mondial-2022. Mais à la fin du mois, « MBH » se retire de la présidentielle à la Fifa et est suspendu dans une affaire de corruption liée à cette élection. Il sera radié à vie.

26 août 2012: l’ancien procureur américain Michael Garcia, à la tête de la chambre d’instruction du nouveau comité d’éthique, indépendant de la Fifa, annonce qu’il va enquêter sur l’attribution des Coupes du monde 2018 et 2022 afin de distinguer « allégations » et « informations ».

13 novembre 2014: Hans-Joachim Eckert, président de la chambre de jugement du comité d’éthique de la Fifa, relève dans le rapport Garcia « des comportements douteux » mais pas de quoi remettre en cause le processus d’attribution. Garcia dénonce une présentation « erronée et incomplète » de son enquête et annonce faire appel.

18 novembre 2014: la Fifa porte plainte auprès du ministère public suisse en raison de « soupçons » semblant « peser sur des transferts internationaux de patrimoine avec comme point de contact la Suisse », dans le cadre de l’attribution des Coupes du monde 2018 et 2022.

16, 17 décembre 2014: l’appel de Garcia est rejeté, il démissionne le lendemain.

27 mai 2015: sept hauts dirigeants du football international sont arrêtés à Zurich, à la demande de la justice américaine. Parmi eux, Jeffrey Webb (Iles Caïman) et Eugenio Figueredo (Uruguay), deux membres du comité exécutif de la Fifa. 14 personnes (dont 9 membres ou anciens de la Fifa) sont mises en cause. L’acte d’accusation américain parle de quelque 150 millions de dollars (132 millions d’euros) de pots-de-vin et de rétrocommissions, depuis les années 1990.

27 mai: dans une procédure distincte, ouverte contre X pour soupçons de « blanchiment d’argent et gestion déloyale » autour de l’attribution des Mondiaux 2018 et 2022 à la Russie et au Qatar, la justice suisse fait procéder à des perquisitions au siège de la Fifa, à Zurich.

29 mai: Joseph Blatter, président de la Fifa depuis 1998, est réélu pour un 5e mandat de quatre ans. Le même jour, le Qatar assure avoir respecté « les plus hauts standards éthiques » pour obtenir le Mondial 2022.

2 juin: la Fifa reconnaît avoir fait en 2008 un versement de 10 millions de dollars sur des comptes de Jack Warner, pour la Concacaf, « dans le cadre du développement du football dans les Caraïbes », et ce de la part de l’Afrique du Sud.

2 juin: Blatter annonce sa démission et appelle à l’élection d’un nouveau président lors d’un congrès extraordinaire électif, prévu le 26 février 2016.

10 juin: la Fifa suspend le processus d’attribution du Mondial-2026.

9 juillet: la Fifa suspend à vie Chuck Blazer. Nommé « Monsieur 10% » pour les millions de dollars qu’il est soupçonné avoir indûment reçus, cet Américain est la « taupe » du FBI depuis 2011.

12 juillet: la justice suisse indique avoir en mains 81 cas suspects de blanchiment d’argent signalés par les banques dans l’enquête sur l’attribution des Coupes du monde 2018 (Russie) et 2022 (Qatar).

14 septembre: le procureur général suisse Michael Lauber et la ministre américaine de la Justice Loretta Lynch tiennent une conférence de presse commune sur leurs enquêtes, visant respectivement les soupçons sur l’attribution des Mondiaux-2018 et 2022 à la Russie et au Qatar et les accusations de corruption.

17 septembre: Jérôme Valcke est relevé de ses fonctions de secrétaire général de la Fifa, le jour où la presse anglaise fait état de soupçons pesant sur lui dans le cadre d’une affaire de revente de places lors du Mondial-2014. Il nie les allégations.

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