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Belgique – République tchèque : les Diables contre l’Histoire

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Analyse de la victoire des Diables rouges dans leur dernier match amical de la saison.

Dans les livres d’Histoire, la Belgique n’attaque jamais. Le pays neutre par excellence, qui ne brandit l’épée que par fierté, quand il est provoqué en duel. Et comme le passé d’une nation contamine forcément son football, les Diables rouges ont dû faire appel à un sélectionneur étranger pour écrire leurs futures grandes heures. Roberto Martinez prend sa mission à coeur. Chaque match amical est une nouvelle feuille de brouillon, avant le grand examen russe de l’été prochain. Celui face aux Tchèques était son premier avec un duo d’attaquants que le grand public réclame depuis des années, comme si empiler les attaquants rimait systématiquement avec empiler les buts.

Le sélectionneur doit encore faire sans Eden Hazard. Et comme s’il fallait toutes les armes du monde pour remplacer la plus belle gâchette du Royaume, Martinez dessine un onze vertigineux. Inévitablement déséquilibré, car follement offensif. Les seuls joueurs à vocation défensive sur la pelouse sont les trois défenseurs. Les joueurs de couloir sont des attaquants, et aucun des trois milieux de terrain n’aime passer l’essentiel de son temps de « son » côté de la ligne médiane. C’est le onze d’une Belgique qui n’a pas d’autre choix que celui d’attaquer, sans interruption.

Installé au pressing, parce que ses pieds bouillants et son jeu de position aléatoire le rendent encombrant pour la possession minutieuse du sélectionneur, Radja Nainggolan saute à la gorge des défenseurs tchèques, et offre un premier centre à Romelu Lukaku. À côté, mais déjà tout près.

LE RYTHME DANS LA PEAU

Si Michy Batshuayi s’offre le chemin des filets et les lauriers en fin de match, la première mi-temps est écrasée par le poids d’un Rom’ omniprésent. 23 ballons joués, transformés en cinq tirs et trois occasions créées. Après avoir touché le gardien et le montant, Lukaku profite d’un des rares slaloms réussis par Yannick Carrasco pour glisser le ballon à Michy. Le sub de Chelsea fait le reste machinalement, sans regarder son défenseur ou la cage adverse. Batshuayi fonctionne au flair, comme un requin attiré par l’odeur du sang.

La balle arrive toujours rapidement vers l’avant, parce que Toby Alderweireld et Jan Vertonghen ont décidé de ne pas traîner en chemin. Devant eux, Kevin De Bruyne et Youri Tielemans mangent un maximum de ballons (33 passes reçues par Youri, 30 par KDB) et augmentent encore le rythme d’une séance de cardio bien trop rapide pour le camp d’en face. On ne joue que depuis 25 minutes, et les Diables ont déjà fait 155 passes et tiré huit fois. Les Tchèques, eux, sont toujours incapables de donner la couleur des gants de Thibaut Courtois.

Vladimir Darida lâche la première frappe adverse quand le marquoir affiche déjà 27 minutes. C’est le coup d’envoi d’un match qui se rééquilibre, sans pour autant quitter les mains belges. L’élégant Patrick Schick touche le poteau d’une volée télégénique, mais l’épisode serait resté anecdotique si ce cafouillage à la relance entre un Courtois précipité et un De Bruyne inattentif n’avait pas offert aux Tchèques le droit de débarquer dans un match qu’ils n’avaient pas encore vraiment commencé.

VICTOIRE DISCRÈTE

Marouane Fellaini a finalement offert la victoire aux Diables.
Marouane Fellaini a finalement offert la victoire aux Diables.© BELGA

La première période se termine par deux coups de génie de Kevin De Bruyne, pas moins influent malgré sa position plus reculée (4 occasions créées en 45 minutes). Si Michy et Romelu avaient pu ajuster le gardien tchèque, l’histoire belge aurait sans doute reçu un meilleur accueil de la critique. Le retour aux vestiaires laisse donc un goût amer, que le but de la victoire de Marouane Fellaini suffira à peine à dissiper. La première mi-temps avait la manière, mais pas le résultat, la seconde a inversé le phénomène.

Portée maladroitement par un Dries Mertens perdu dans le costume trop large d’Eden Hazard, la deuxième Belgique de la soirée perd sa saveur en même temps qu’elle accueille les Mirallas, Fellaini et Benteke à la place de Tielemans, Batshuayi et Lukaku. Les Diables ne tirent que cinq fois au but, contre treize tentatives avant la pause, et passent même plus de vingt minutes sans la moindre frappe. C’est quand la Belgique arrête d’attaquer qu’elle perd le fil de ses rencontres. Comme si seule la moitié de terrain adverse contenait de l’oxygène.

Appliqués dans leur tâche défensive après une deuxième frappe tchèque qui touche du bois, les hommes de Roberto Martinez offrent tout de même à leur sélectionneur une première victoire en match amical depuis sa prise de pouvoir. Anecdotique ? Désirée par les joueurs, en tout cas, quand on voit que Fellaini et Mertens la jouent même cynique, gagnant du temps ou balançant des chandelles pour éteindre le marquoir.

LA ROUTE DES 600 PASSES

Le football de Roberto Martinez est toujours en chantier. Sa première maison belge scintillait en novembre, quand les Diables empilaient huit buts contre l’Estonie. Mais depuis, le sélectionneur a dû faire sans Eden Hazard, ciment de son système de jeu. La construction d’une équipe à 600 passes par match, songe cruyffiste du Catalan, bute sur quelques obstacles, comme les pieds fragiles de Courtois ou le jeu chaotique d’un Nainggolan underground qui semble de plus en plus inadapté à ce football en smoking, nouveau dress-code national. Au bout de 45 minutes, le compteur de passes noir-jaune-rouge s’est arrêté à 226.

Privée de son numéro 10, à la fois capitaine et déséquilibriste naturel, la Belgique doit s’inventer de nouvelles solutions, depuis que son système à trois défenseurs ne surprend plus naturellement les adversaires. Roberto Martinez continue ses recherches, dans son laboratoire de matches amicaux. La formule à deux attaquants est désormais griffonnée dans son carnet d’expériences. Et à côté de ce onze qui ressemblait à celui d’un savant fou, il y a désormais le souvenir d’une victoire.

Par Guillaume Gautier

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