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Belgique – Portugal : l’élève studieux

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Analyse du premier match de préparation des Diables avant la Coupe du monde.

Les Diables étaient attendus au tournant. Par leur public d’abord, lancé dans une guerre ouverte contre Roberto Martinez depuis l’annonce d’une liste des 28 où ne figurait pas le nom de Radja Nainggolan, jugé indispensable aux exploits nationaux par l’opinion publique. Par leurs adversaires, ensuite. Loin d’être des proies faciles pour une démonstration chiffrée de la Belgique. Là où la route vers le Brésil avait commencé par un trot d’entrainement face au Luxembourg, celle qui doit emmener Eden Hazard et les siens vers une campagne de Russie historique s’entame face au Portugal.

Le champion d’Europe en titre débarque à Bruxelles sans Cristiano Ronaldo, mais avec les certitudes d’un groupe qui n’a encaissé que quatre buts en quatorze matches officiels (hors Coupe des Confédérations) depuis les huitièmes de finale de l’EURO français. Sur le terrain, le onze de Fernando Santos est emmené par Pepe, qui survole les débats du haut des trois Ligues des Champions qui trônent dans sa salle des trophées personnelle. Dans le camp belge, le seul à avoir touché la Coupe aux grandes oreilles est assis sur le banc, et ne peut pas en décoller. Thierry Henry est seulement là pour apprendre aux Diables comment briller dans les grands rendez-vous.

Affûté à une dizaine de jours de sa rencontre face à l’Espagne, pour son entrée en lice russe, le Portugal met pourtant une vingtaine de minutes à trouver le fil du match. Jusque-là, le ballon et l’initiative sont belges. Déployés dans leur 3-4-2-1 habituel, avec Mousa Dembélé pour pallier les pépins physiques d’Axel Witsel, les Diables ne mettent que vingt secondes à récupérer la balle après le coup d’envoi lusitanien, et à peine trente de plus à créer une première situation intéressante, quand Toby Alderweireld s’ajoute à Thomas Meunier et Dries Mertens pour inventer un premier centre tendu, inaccessible de justesse pour Romelu Lukaku.

LA BELGIQUE QUI DOMINE

Si une sortie orchestrée par Lukaku et Dembélé est mal accompagnée par le reste du bloc, et offre une frappe à Gonçalo Guedes, la première Belgique de la soirée prive son adversaire de rêver de véritables occasions. Les Diables empêchent Beto d’alerter ses défenseurs, et le trio défensif règne sans partage sur les longs ballons du gardien visiteur. Vincent Kompany plante son camp de base dans le rond central, et dépose un premier ballon chaud dans les pieds d’Eden Hazard, souvent arrêté par une faute portugaise, comme s’il était impossible de faire autrement.

Habitué à vivre près de son rectangle, le champion d’Europe concède du terrain, mais pas d’occasions. Les Portugais se regroupent dans l’axe, autour d’une colonne vertébrale taillée dans les muscles de Pepe, José Fonte et William Carvalho, et envoient les Belges sur les côtés, là où les centres finissent toujours sur le front ou le pied de l’ancien défenseur du Real. Dans l’axe, la Belgique tente de faire dialoguer Hazard, Lukaku et Mertens, mais les combinaisons sont plus rapides que précises, et le Portugal n’est pas le genre d’adversaire à pardonner un contrôle approximatif.

Les Lusitaniens adoptent la tactique la plus fréquente contre un système aussi offensif que celui des Diables : en perte de balle, les ailiers deviennent les défenseurs latéraux d’une défense à six, tandis que les quatre autres joueurs de champ forment un losange qui dissuade les combinaisons dans l’axe. La Belgique n’a pas d’espace à exploiter. Alors, par fatigue ou par choix, elle change de plan.

LA BELGIQUE QUI SUBIT

Meunier et Yannick Carrasco font marche arrière, pour installer une défense à cinq et ouvrir la porte aux contre-attaques nationales. Repliée en 5-4-1, la Belgique du deuxième quart d’heure laisse le ballon aux Portugais. Si ce changement de physionomie permet à Joao Moutinho d’éveiller les gants deThibaut Courtois, il offre également des mètres à dévorer pour Carrasco. La première remontée de balle du Bruxellois aboutit sur la tête de Pepe, après un centre de Meunier. La seconde, lancée par un excellent Jan Vertonghen, débouche sur un une-deux avec Hazard, une feinte de frappe magistrale et un ballon propulsé dans le filet latéral de Beto.

Les courses se prolongent, et éveillent le secteur offensif portugais. À droite,Bernardo Silva profite d’une position plus proche du but pour envoyer deux frappes avant la mi-temps, alertant légèrement Courtois avant de flirter avec le second poteau. De l’autre côté, c’est Gelson Martins qui fait parler ses jambes supersoniques, et profite d’une sortie de défense trop ambitieuse de Kompany pour s’évader vers un duel excentré avec Courtois, qui finit hors du cadre.

La Belgique affûte ses automatismes défensifs. Si elle a concédé cinq tentatives dans le temps fort portugais, prolongé jusqu’aux derniers instants de la première période avec une frappe hors-cadre de Guedes, elle a maintenu le zéro pour la troisième fois consécutive, sans devoir solliciter un arrêt hors-normes de Courtois.

UN MATCH À LA PORTUGAISE

La deuxième mi-temps démarre avec quatre nouveaux joueurs sur la pelouse.Adnan Januzaj, installé dans le costume de Mertens, met moins de soixante secondes à faire la différence aux abords du rectangle pour décocher un centre en retrait intéressant. Quelques instants plus tard, c’est Nacer Chadli qui profite d’une montée balle au pied de Vertonghen pour prendre la profondeur, avant d’être arrêté par un juge de ligne approximatif. Quant àMarouane Fellaini, il gratte des ballons autour du rond central, et lance rapidement une reconversion galvaudée par un nouveau centre raté de Meunier. En 45 minutes, seul Christian Benteke aura souffert pour apparaître à son avantage, porté disparu comme Lukaku avant lui dans le triangle des Bermudes formé par Pepe, Fonte et Carvalho.

Plus souvent au ballon depuis que les pieds magnétiques de Dembélé ont quitté la pelouse et élargi sa zone d’influence, Hazard prend les commandes du match en gagnant du terrain ballon au pied. Pepe voit jaune quand Eden réussit un contrôle dantesque au bout d’un long ballon de Kevin De Bruyne, puis Carvalho doit commettre une nouvelle faute après avoir vu le capitaine des Diables lui glisser un petit pont au milieu d’un slalom géant.

Le stress des blessures rythme la fin d’un match où, conformément à la nouvelle habitude portugaise, il ne se passe pas grand-chose. Le contact avec les crampons de Ricardo Quaresma est la principale péripétie de la deuxième période de Courtois, tandis que Beto doit s’employer sur un tir de Vertonghen puis une frappe croisée de Meunier, mis sur orbite par un Hazard beaucoup plus axial depuis que Januzaj a remplacé Mertens. Excentré à droite, le gaucher de la Real Sociedad combine naturellement avec Meunier, et marque encore quelques points entre un centre en retrait (encore coupé par Pepe, sur toutes les trajectoires) et une frappe dans le petit filet.

Accompagnés par les sifflets déçus d’un public visiblement en manque de goleada, les Diables quittent les nonante premières minutes de leur préparation avec un nul face à l’un des autres outsiders de la compétition. Certes, le spectacle n’a pas été grandiose. Les Belges ont déroulé leurs connaissances comme des élèves studieux retranscrivent leur syllabus, sans s’octroyer trop de folie ou d’imagination. Mais faut-il négliger le fait que, pour la première fois depuis le 29 mai 2004, la Belgique n’a pas perdu une rencontre contre une équipe classée dans le top 5 mondial ? Ce jour-là, les Diables s’étaient imposés aux Pays-Bas, grâce à un penalty converti par Bart Goor. Quatorze ans plus tard, parmi le groupe actuel, Vincent Kompany est le seul à pouvoir en témoigner.

Par Guillaume Gautier

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