© Joan Gosa/Xinhua

Barça-Real: un clasico sans vainqueur

Un clasico reste un clasico! Même sans enjeu comptable, le choc Barcelone-Real Madrid a accouché d’un nul (2-2) haletant et électrique qui entretient la série d’invincibilité du Barça, récent champion d’Espagne et capable de devenir la première équipe moderne à achever la Liga invaincue.

Pour la 36e journée, le club catalan a mené deux fois au Camp Nou grâce à une volée de Luis Suarez (10e) et un but de Lionel Messi (52e) entaché d’une faute préalable. Mais le Real, à onze contre dix après l’exclusion de Sergi Roberto (45e+2), a égalisé à chaque fois: d’abord par Cristiano Ronaldo (15e), touché à une cheville sur l’action et remplacé à la pause, puis par Gareth Bale (72e).

Et dire que ce clasico devait être « décaféiné », c’est-à-dire disputé pour du beurre! C’est tout le contraire qui s’est produit dans un duel accroché et polémique, dont le résultat préserve la dynamique barcelonaise: 42 matches d’affilée sans défaite en Liga (record d’Espagne) et la possibilité, à trois matches de la fin, d’être le premier club depuis les années 1930 à remporter la Liga sans perdre.

« Nous continuons de caresser le rêve de ne pas perdre dans cette Liga », a résumé le capitaine barcelonais Andrés Iniesta, salué par une ovation vibrante à sa sortie du terrain (58e) pour son tout dernier clasico avant son départ annoncé cet été.

Cela n’a aucune influence sur le classement puisque le Barça (1er, 87 pts) est champion depuis le week-end dernier et puisque le Real (3e, 72 pts) a davantage l’esprit tourné vers sa troisième finale de Ligue des champions d’affilée, le 26 mai à Kiev contre Liverpool.

– Pépin pour Ronaldo –

L’entraîneur merengue Zinédine Zidane espérait un match intense en guise de répétition générale ? Il a été servi.

Après l’ouverture du score de Suarez (10e), Ronaldo a surgi en se jetant sur la ligne (15e). Sur le coup, le Portugais a subi une torsion de sa cheville droite qui a alimenté les craintes à 20 jours de Kiev. Mais il a fait signe qu’il pouvait continuer, avant de céder sa place à la pause à Marco Asensio, sans doute par précaution.

« Sa cheville était un peu enflée mais lui a dit que ça n’était pas grand-chose », a commenté Zidane, se voulant rassurant pour la finale de Kiev.

La fin de la première période a été pénible pour le Barça qui, étouffé par le pressing merengue, ne parvenait plus à contrôler la balle.

Finalement, à force de mettre le pied, les esprits ont commencé à s’échauffer avec de multiples accrochages. Cela dégénérait et l’arbitre a remis de l’ordre en montrant un carton rouge direct à Sergi Roberto pour avoir frappé Marcelo du bras (45e+2).

– Carton rouge –

« Notre première période a été très bonne, ensuite nous nous sommes un peu précipités à onze contre dix et il fallait être plus patients. Mais je crois que le Barça va finir la saison sans perdre », a analysé Zidane, toujours invaincu en quatre clasicos comme entraîneur au Camp Nou.

En seconde période, le trio arbitral n’a pas vu le balayage assez net de Suarez sur Varane sur l’action du 2-1 et a accordé à tort le 33e but dans cette Liga de Messi (52e)… Lequel se montrait de plus en plus intenable au fil des minutes.

Au moment de la sortie d’Iniesta, l’accolade entre les deux joueurs et la remise du brassard au petit Argentin sonnait comme une passation de pouvoir entre l’ancien et le nouveau capitaine du Barça.

Puis Messi a fait des siennes et multiplié les banderilles (62e, 81e, 82e).

Mais l’Argentin a manqué une balle de match seul face à Keylor Navas (70e) et ce raté a coûté cher puisque Bale, jusque-là invisible, a égalisé d’un tir enroulé (72e).

Et Marcelo aurait même pu obtenir un penalty (76e) qui aurait gâché, dans la foulée, les festivités du titre du Barça, feu d’artifice à l’appui. Dans une odeur de poudre, évidemment!

La passion du clasico est « plus forte » au Maroc qu’en Espagne

« La rivalité Barça-Real, elle plus forte ici au Maroc qu’en Espagne! » Que l’on soit « Barçaoui » et supporter de Lionel Messi, ou « Reali » et pro-Cristiano Ronaldo, au moins une chose unit le Maroc le temps d’une soirée: la même passion explosive pour le +clasico+, le match le plus suivi au monde.

« Dieu merci qu’on n’en vienne pas à se donner des coups de poing ou autre chose! On se chamaille beaucoup, on s’insulte beaucoup, mais une heure après le match on oublie tout et on redevient amis », glisse Abdelmalek, 57 ans. Il a délaissé son costume de PDG d’une entreprise d’événementiel basée à Tanger pour un jogging aux couleurs du Real Madrid, son « équipe de coeur ».

S’il ne présentait aucun enjeu comptable en Liga pour la première fois depuis 2008, la polémique du « pasillo », traditionnelle haie d’honneur offerte à un club récemment champion par son adversaire au match suivant, et qui n’a pas été respectée par le Barça selon les pro-Real, a suffi à raviver les braises d’une rivalité incendiaire depuis plus d’un siècle.

« Zidane m’a soulagé avec le +pasillo+ ! Cela faisait trois mois que je n’étais pas bien avec cette histoire, c’était une humiliation. Il a pris la bonne décision! », salue Abdelmalek. Nul doute que le match nul (2-2) dimanche entre les deux géants espagnols, avec un but chacun pour les idoles Messi et Ronaldo, va épargner quelques visites aux urgences et autres disputes interminables sur des faits de jeu.

De Casablanca à Kenitra, on ne compte plus les enseignes portant les noms « Real Café » ou simplement « Barcelona », qui tentent de surfer sur l’incroyable engouement des Marocains pour les caïds de la Liga. Pour comprendre une telle passion extrême, à 1200 km du Camp Nou, théâtre du dernier +clasico+ de la saison, il suffit de prendre la direction de Tanger, au nord du royaume.

– ‘Pour toute la vie’ –

Ici, à quelques encâblures du détroit de Gibraltar, on parle de +gol+, +campo+ ou +partido+ pour évoquer un but, le terrain ou le match de foot. La langue du sport-roi n’est ni l’arabe dialectal, ni le français, mais bien l’espagnol ! Et mieux vaut réserver assez tôt sa chaise devant la télé d’un café pour ne pas manquer un but.

Nidal, « supporter du Barça depuis la naissance », n’a pas ce genre de souci. Dans le local tangérois de la « penya » de Chaouen (groupe officiel de supporters du Barça), le banquier de 42 ans est confortablement installé avec ses amis devant un rétro-projecteur géant, avec sur les murs des maillots de Messi encadrés.

« On se voit quasiment ici toutes les semaines, pour voir les matches de Liga, de +Copa+ ou de la Champions League. On organise aussi un tournoi annuel entre les +penyes+ du Maroc, et des voyages à Barcelone pour aller au Camp Nou », ajoute-t-il, entre deux cris d’encouragement pour la bande à Iniesta.

Avec 10 peñas contre 8, mais aussi une école de foot lancée par sa fondation en partenariat avec l’association Cervantes, le Real Madrid garde, à Tanger, une longueur d’avance face au Barça.

« Le nord du Maroc a été colonisé pendant des dizaines d’années par les Espagnols, rappelle Abdelmalek. Et durant les années 1970-1980, on captait beaucoup plus la TV espagnole que marocaine, donc on suivait beaucoup plus le championnat espagnol que marocain. C’est à partir de là que les jeunes de l’époque ont suivi de plus près une équipe ou une autre ».

Il compte, à son tour, fonder sa propre peña madrilène la saison prochaine. La passion marocaine pour le +clasico+ n’est pas prête de s’éteindre !

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