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LE KILLER DE NEUKIRCHEN

Figure de la diaspora grecque en Allemagne, Kostas Mitroglou élimine ses adversaires de sang-froid à l’Olympiakos puis Benfica. Ce samedi, il retrouve ses victimes favorites et retourne sur les lieux de quelques-uns de ses crimes : la Belgique.

Dans une Allemagne de reconstruction, affaiblie par l’après 39-45 et scindée en deux, Konrad Adenauer se remue les méninges. Le premier chancelier de la République fédérale teutonne cherche à rebâtir son pays à moindre coût. Sur les ruines du national socialisme, il lance ses grands travaux. Parmi eux, plusieurs programmes du gouvernement allemand s’adressent aux travailleurs étrangers, c’est-à-dire une main-d’oeuvre besogneuse et peu onéreuse.

La main tendue se dirige vers l’Espagne, la Croatie mais prend aussi et surtout les bras ouvriers de la Turquie et de la Grèce. Des accords sont signés outre-Rhin avec ces deux nations au début des sixties. S’ensuit logiquement une immigration massive qui, si elle doit se terminer officiellement une dizaine d’années plus tard, finit par s’installer sur la durée. Le mot  » temporaire  » perd son sens à mesure que les générations deviennent des pupilles d’une nouvelle nation allemande.

EL PISTOLERO

Outre les Turcs, les Grecs constituent une diaspora importante en Allemagne et notamment à l’Ouest. C’est là, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, que Konstantinos Mitroglou grandit. Né à Kavala en 1988, station balnéaire du nord-est de la Grèce, il embarque avec sa famille pour le bled de Neukirchen-Vluyn, dans le district de Düsseldorf. Dans une région marquée par l’activité minière, les parents du petit Kostas montent une tout autre affaire : un restaurant.

Neukirchen tient forcément les saucisses et la bière pour spécialités, mais découvre le tsatsiki estampillé Mitroglou, avant de se délecter des caramels de leur prodige de fils. Si les Grecs immigrés dans les années 60 étaient censés rentrer au pays, la dictature qui y règne ne favorise pas un retour. Finalement, le premier vrai footballeur issu de cet exode se nomme Maik Galakos et évolue naturellement dans cette Allemagne de l’Ouest ouvrière, à Düsseldorf puis Sankt Pauli.

L’actuelle génération qui fournit l’Ethniki, l’équipe nationale grecque, s’appuie ainsi sur des tauliers comme KonstantinosMitroglou ou JoséHolebas, passé de la Roma à Watford l’été dernier et qui voit lui aussi le jour dans une maternité teutonne. Kostas signe ses premières licences dans des clubs de son fief, le SV Neukirchen puis le TuS Preussen Vluyn.

Mais dès 2003, l’éphèbe rhénan est repéré par le MSV Duisbourg. Normal, le gamin sort d’un exercice à base de 24 banderilles en 16 rencontres et ce, à seulement 11 printemps. L’histoire dure deux ans avant que Mitroglou ne rejoigne Mönchengladbach. Ironie du sort, après 14 buts en 10 matches avec les U19, il plante un quadruplé pour flinguer ses anciennes couleurs (3-5) et justifie logiquement son premier surnom : El Pistolero.

D’EXECUTOR À MITROGOAL

La consonance espagnole ne convient pas au mieux à un attaquant au pragmatisme bien germanique et au placement fondamentalement hellénique. D’autres quolibets viennent alors le qualifier de la meilleure des manières : l’artilleur ou mieux, en VO, l’Executor. S’il sculpte son physique de déménageur et ne taille pas encore sa barbe de spartiate, Kostas Mitroglou rejoint la réserve de Gladbach un an après son arrivée, sans parvenir à s’y imposer.

Kostas, qui dispose aussi d’un passeport allemand, préfère évoluer pour son pays d’origine. Il en profite pour terminer meilleur buteur de l’Euro U19 organisé en 2007 en Autriche, où la Grèce s’incline en finale. Comme l’enfant de son siècle qu’il est, il choisit ainsi de retourner à ses racines, au confluent de ses ambitions : direction le port du Pirée à Athènes et son Olympiakos, club de coeur de son père Georgios. À l’époque, les Rouge et Blanc posent 200.000 euros sur la table pour s’offrir celui dont on loue déjà les exécutions froides et chirurgicales.

Véritable avant de surface, pas vraiment rapide, il sait se faire oublier pour tuer en renard des petits rectangles. Mais dans la capitale grecque, Ernesto Valverde veut du mouvement. Ce que Kostas peut difficilement offrir à l’actuel maestro de l’Athletic Bilbao, qui aligne plutôt Kévin Mirallas et Marko Pantelic. Le déclic intervient finalement lors d’une seconde location à l’Atromitos, en 2011, où Mitroglou se transforme en Mitrogoal avec 17 pions en championnat. La machine se met définitivement en marche.

Entre-temps, pour les poules de Champions League, il se permet tout de même le luxe de participer à la victoire de l’Olympiakos sur un Standard champion (2-1). Trois ans plus tard, Leonardo Jardim, technicien portugais désormais à Monaco, le fait complètement exploser. Au Parc Astrid, Kostas sort l’artillerie lourde et mitraille Anderlecht d’un triplé (0-3). Jamais un Grec n’avait réalisé de coup du chapeau en C1. Une petite fierté pour celui qui a fait des Belges, aux côtés de ses ennemis héréditaires du Panathinaïkos, ses victimes préférentielles.

GOD IS GREEK

Janvier 2014. Mitroglou fait de l’exil une tradition en rejoignant des Cottagers malades. Fulham joue le maintien en Premier League et claque plus de 15 millions d’euros pour l’artificier du Pirée. Un record à Craven Cottage. Problème, la gâchette s’enraye. Arrivé blessé, Kostas dispute 151 petites minutes insuffisantes pour éviter la descente de son nouveau club londonien. Il revient alors à son premier amour athénien pour un prêt sous forme d’idylle avec 16 roses à la clé.

Comme à son habitude, Benfica flaire le bon coup. Une affaire à 7 millions pour 26 buts toutes compétitions confondues la saison passée. Les titres lusitaniens sont rapidement dithyrambiques : God is Greek et offre des prestations dignes d’un Greek ballet. Contre Dortmund, en février dernier, il crucifie son pays d’adoption (1-0), avant d’être transparent au retour. Un ascenseur émotionnel qui tend à se confirmer avec la sélection. Laissé sur la route du mondial sud-africain par Otto Rehhagel, il qualifie son Ethniki par un doublé contre la Roumanie en barrages de l’édition brésilienne.

Mais la Grèce manque le dernier Euro français, en réussissant l’exploit de s’incliner deux fois contre les Îles Féroé et en terminant dernière de son groupe de qualifications. La sélection de Michael Skibbe reste malgré tout sur cinq rencontres sans défaites. Sur trois d’entre elles, dont une victoire aux Pays-Bas (1-2), la Grèce s’impose systématiquement après une ouverture du score de son Pistolero. Nul doute que face aux Diables, Mitroglou cherchera à dégainer plus vite que son ombre.

PAR NICOLAS TAIANA – PHOTO BELGAIMAGE

II a été tour à tour bourreau du Standard et d’Anderlecht.

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