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Arsène Wenger, stop ou encore ?

Maxime Defays Journaliste

Comme l’impression que cette question se pose chaque année. Peut-être encore un peu plus cette saison. Même si rien n’est encore décidé, de plus en plus de fans appellent au « Wenger Out ». On en parle avec Julien Sferlazza, rédacteur pour le site Groovers, spécalisé dans l’actualité d’Arsenal, ainsi qu’administrateur de plusieurs communautés francophones de supporters, dont Arsenal (France).

Pensez-vous qu’il s’agisse de la saison de trop pour Wenger ?

Ce serait trop sévère de le dire ainsi. Cette année est compliquée, encore plus que les précédentes, c’est vrai. Depuis que Wenger est arrivé, Arsenal a toujours été habitué à figurer en Ligue des Champions à la fin de la saison. Après la défaite de ce week-end à Tottenham, les chances de qualification sont vraiment de plus en plus minces…

Parler de « saison de trop » voudrait dire que son départ est impératif. J’ai souvent défendu le coach, et je n’ai jamais été capable de prononcer l’expression « Wenger Out », même si j’ai de sérieuses critiques à lui soumettre. Le problème de Wenger, comme le disait une connaissance, ce n’est en rien son incompétence, c’est plutôt son côté « archaïque ». Je suis très content qu’il ait innové cette année avec une défense à trois par exemple, mais sur les dix dernières années, on avait le sentiment qu’il était un peu borné avec ses « idéologies ». Bien que sous celles-ci réside une vraie logique, nous avons parfois l’impression qu’il parle de choses qu’il est le seul à comprendre.

S’il avait fait évoluer ses idées, qu’il avait donné un « supplément » à sa philosophie, on n’aurait jamais pu parler de quelqu’un aux idées « dépassées ». Mais quand on voit la tournure des évènements, on est bien obligé de le faire…

Une prolongation de contrat de 2 ans est évoquée…

Selon des personnes bien informées à la BBC, une rencontre devrait avoir lieu en été entre Arsène Wenger et la direction. Mais il y a quand même des signes qui ne trompent pas : il parle des joueurs qui devraient revenir de prêt, il évoque la préparation du prochain exercice,… Cette saison, on n’a jamais vraiment senti qu’il voulait partir. Pour moi, il va poursuivre l’aventure. Mais de là à dire que c’est la meilleure solution… Ce serait vraiment difficile dans le contexte actuel.

Pensez-vous que Wenger a encore les clés en mains pour amener le club vers le titre dans les prochaines années ? Ou est-on arrivé en fin de cycle ?

Si Wenger désire rester à Arsenal, j’aimerais bien lui dire ceci : « Arsène, montre à ceux qui ont cru en toi qu’ils ont eu raison de le faire, mais aussi agis et évolue, et remue les joueurs dont la vie est trop confortable ! ». Arsenal est clairement malade, mais cette saison, nous n’avons pas vu un seul match au cours duquel les joueurs ont laissé tomber l’entraîneur. Ils n’étaient tout simplement pas appliqués. Wenger n’est évidemment pas exempt de tout reproche, mais je pense sincèrement que son message peut encore passer.

Par exemple, quand Koscielny est venu de Lorient, tout le monde se posait des questions sur le choix du coach. Aujourd’hui, il fait partie des meilleurs défenseurs du noyau. Je pense qu’il est toujours capable de polir au mieux les diamants. Il faudrait peut-être qu’il revoie les images de sa première décennie à Arsenal. C’était toujours le même Arsène, mais ce qu’il avait en plus à l’époque, c’était des « winners ». Quand on regarde les matchs de cette première décennie, peu importe quelle équipe Arsenal affrontait, elle avait toujours du répondant, que ce soit physiquement, techniquement ou tactiquement. Ce qui expliquait cette réponse sur le terrain était simplement le « fighting spirit »…

La mentalité est-elle différente maintenant ?

C’est un problème. Emmanuel Petit avait d’ailleurs très justement dit dans un média français que « les joueurs d’Arsenal, je les appelle les ‘nice boys’… » Ils ont le profil du « gendre idéal », mais si la situation commençait à se détériorer, ce genre de joueurs ne taperait pas du poing sur la table. On recherche encore le nouveau Patrick Vieira.

Quand on regarde simplement les joueurs anglais du noyau, comme Walcott, Ramsey, Wilshere (prêté à Bournemouth, ndlr) ou encore Oxlade-Chamberlain… Sur papier, ils ont quand même tout pour réussir une superbe carrière. Le problème, c’est qu’ils ne peuvent pas devenir de véritables lions. Ils ne resteront qu’au stade de « lionceaux » prometteurs s’ils ne se décident pas à rugir.

Qu’est-ce qui fonctionnait avant qui ne marche plus ici ?

Rajouter seulement deux très grands joueurs comme Sanchez et Özil aux jeunes « pousses » présentes n’est évidemment pas suffisant. Sanchez a eu du mal la saison passée, Özil, lui, c’est cette année. En regard de ses qualités, on a de quoi se poser des questions. D’où l’intérêt de ramener un « winner ».

Ce qu’on peut reconnaître à Wenger, c’est que quand il cherche une qualité précise à intégrer dans l’équipe, il parvient souvent à dénicher le profil qu’il souhaitait vraiment. Mais depuis quelques années, il n’a pas réussi à combiner qualité et mentalité. Il doit évoluer sur ce point-là. Dernier exemple : quand on sait qu’un des leaders du vestiaire, qui plus est blessé depuis des mois, c’est Per Mertesacker… Il y a aussi Petr Cech, mais il n’est pas éternel non plus… Il y a un vrai problème de leadership et il se doit d’être comblé. Ça pourrait venir d’un des joueurs présents déjà dans l’équipe, mais pour l’instant, on ne le voit pas…

Si vous prenez les joueurs d’Arsenal un par un, combien aurait leur place au sein d’une grosse cylindrée européenne ? Quand Özil et Sanchez sont au top, ils sont les seuls à pouvoir le revendiquer. Certains joueurs ne confirment pas leurs qualités, c’est pour moi, alors, une insuffisance de niveau.

Cette constatation ne date pas d’hier. Cette saison est simplement pire. A l’heure actuelle, les Gunners sont incapables de contrer une équipe très bien en place tactiquement et techniquement supérieure. La capacité de réaction, surtout quand l’équipe encaisse le premier but, est bien trop faible. Contre Tottenham ce week-end, c’était l’exemple parfait.

Wenger a tenté un système à 3 derrière, qui doit être travaillé. Ça a été tenté bien trop tard: après deux humiliations contre le Bayern et quand les espoirs de titre se sont totalement envolés.

Serait-ce pour vous une bonne chose qu’Arsène Wenger reste ? Ou faut-il passer à autre chose ?

La longévité de Wenger s’explique par sa première décennie au club, avec comme point d’orgue « Les Invincibles » de 2004. Il a aussi développé un excellent business pour Arsenal, même si ce n’est pas totalement ce qu’on attendait, car les trophées n’ont pas suivi. Mais pour qu’un club survive, il faut que le côté « marketing-business » soit parfaitement maîtrisé. Mais aujourd’hui, on attend d’une équipe qu’elle soit championne. Rien ne peut expliquer actuellement qu’une équipe comme Arsenal ne le soit pas.

Mais pour que Wenger reste, il faut impérativement qu’il fasse table rase de cette première décennie. Car dans sa manière de gagner à ce moment-là, il y avait des éléments qu’il ne pourrait plus reproduire aujourd’hui. Le football a depuis évolué, mais surtout, de plus en plus d’équipes se battent pour ce fameux Top 4. S’il n’hausse pas le ton, la difficulté pour y accéder, comme cette année, ne va que perdurer.

Wenger n’a pas la prétention de vouloir être éternel, mais il aime tellement Arsenal – il était déjà fasciné par le club avant qu’il n’en prenne les rênes- et il veut sans doute laisser le club dans les meilleures mains possibles. Je ne suis pas spécialement partisan, à tout prix, qu’il reste, mais quand il partira, j’ai peur que ce soit pire. Il a des fonctions multiples à Arsenal, c’est un vrai « manager à l’anglaise », qui s’occupe du recrutement, du montant des salaires, etc…

Il faut, s’il part, engager un vrai directeur sportif, car peu d’entraîneurs pourraient revêtir toutes les casquettes, comme Arsène le faisait. Arsenal a besoin d’un coach capable de l’amener tout en haut de l’échelle.

S’il devait partir, quels coachs pourraient être intéressants pour le style de la maison ?

Je dirais Leonardo Jardim, de Monaco. Il pourrait correspondre à la philosophie du club. Si Arsenal veut faire quelque chose sur le long terme, ce serait un choix idéal. Il a prouvé qu’il était capable de se mesurer (et de battre) des adversaires coriaces en Ligue des Champions.

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