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Aimé Jacquet, héros blessé de l’épopée des Bleus en 1998

La seule étoile mondiale qu’elle porte sur son maillot, l’équipe de France la doit notamment au sélectionneur emblématique du titre de 1998, Aimé Jacquet, un technicien adoré par ses Bleus, mais qui fut profondément blessé par les critiques de la presse avant la Coupe du monde.

12 juillet 1998, la France vient de battre le Brésil en finale de la Coupe du monde, avec deux buts de la tête de Zinédine Zidane (3-0) au Stade de France. Après avoir été porté en triomphe par ses joueurs, Jacquet va dire ce qu’il a sur le coeur devant les caméras.

« Je ne pardonnerai jamais, jamais je ne pardonnerai », lance-t-il à la cantonade, à propos des articles de presse avant ce Mondial, notamment dans le journal L’Équipe. « On avait été trahis par des journaux tout au long des années. La France a enfin vu qu’elle avait une grande équipe de France, qu’elle avait de grands joueurs et qu’ils défendaient le maillot français », martèle le technicien.

Jacquet a 56 ans quand il remporte ce titre avec les Bleus, la première étoile d’une équipe de France qui n’a plus réussi pareil exploit depuis.

L’ancien milieu de terrain de Saint-Etienne, avec qui il gagna cinq fois le championnat de France, a déjà entraîné Lyon et surtout Bordeaux, titré à trois reprises en 1984, 1985 et 1987. Il prend la tête des Bleus en 1993, dans un contexte cauchemardesque. L’équipe de France vient de subir l’un des plus grands fiascos de son histoire, en craquant contre la Bulgarie en fin de match (2-1), une défaite en éliminatoires qui la prive de Coupe du monde 1994.

– Sur la pointe des pieds –

Gérard Houllier, le sélectionneur de l’époque, démissionne et c’est son adjoint, Aimé Jacquet, qui récupère le poste. Mais « Mémé » arrive sur la pointe des pieds. Officiellement, il n’est là qu’à titre « provisoire. » Il s’impose pourtant, avec ses cheveux grisonnants, sa rigueur et sa poigne. Il écarte ainsi des joueurs prestigieux, d’Eric Cantona à David Ginola, et emmène la France en demi-finale de l’Euro 96.

C’est pendant la préparation de la Coupe du monde que les choses se gâtent. « Laborieux », « fruste », « brave type »…. les critiques pleuvent sur le style de jeu de son équipe et la personnalité de son entraîneur, enfant modeste de Sail-Sous-Couzan (Loire), où ses parents tenaient la boucherie du village. « Jacquet n’est décidément pas l’homme de la situation », écrit L’Equipe.

L’une des grandes blessures de Jacquet ? Les moqueries sur sa façon de parler et son accent du Forez, sa région d’origine. « Les Parisiens ont bien ironisé sur mon accent », protestera-t-il plus tard, en revenant dans son village natal, tout auréolé de son triomphe au Mondial.

Chez les Bleus, le portrait de Jacquet prend une tout autre épaisseur. Les joueurs ne cessent de louer la droiture et le sens du devoir de celui qui dans sa jeunesse alternait entre le foot et son métier de tourneur-fraiseur, à l’usine.

– « Valeurs sincères » –

« Ce qui caractérise Aimé, c’est son humanité, son humilité, son professionnalisme. Il arrivait à mélanger rigueur, vision mais également management dans l’humain, c’est très important », se souvient l’ancien milieu de terrain Emmanuel Petit, interrogé par l’AFP. « Il avait l’adhésion de tout le groupe, parce qu’on sentait qu’on était dans un rapport respectueux, mais également sur des valeurs sincères ».

Ses causeries dans le vestiaire sont devenues célèbres, comme ce fameux « muscle ton jeu Robert, si tu ne muscles pas ton jeu fais attention », adressé à Robert Pirès et popularisé par le documentaire « Les Yeux dans les Bleus ». Ses qualités d’anticipation lui valent aussi l’admiration. « C’était un bosseur, un besogneux qui avait tout décelé chez les adversaires », se souvient auprès de l’AFP l’ancien milieu Alain Boghossian.

Avant la finale contre le Brésil, Jacquet délivre des conseils aux allures prémonitoires. « Sur les coups de pied arrêtés ils sont assez dilettantes. Si vous êtes un peu futés, malins, essayez de bouger, essayez de les perturber, ils n’ont pas une rigueur de marquage énorme sur les coups de pied arrêtés ».

Zidane est là, au milieu des joueurs, concentré. Pendant le match, il marquera son fameux doublé de la tête, sur corner… Dans son autobiographie, « Ma vie pour une étoile », parue en juin 1999, Jacquet écrit ceci: « Je n’ai qu’un souhait, que l’on dise plus tard, cet honnête homme a bien fait son travail. »

L’honnête homme en question a remporté une Coupe du monde un soir de juillet 98, ce qu’aucun autre sélectionneur français n’a fait depuis.

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