© Tim De Waele

Tim Wellens: « Je reviens au Tour pour gagner une étape »

Après un an d’absence, Tim Wellens (26 ans) revient sur les routes du Tour. Plus rusé et plus fort. Le coureur de l’équipe Lotto-Soudal affirme avoir tiré les leçons de ses erreurs.  » Cet hiver, j’ai battu presque tous mes records personnels. « 

Il y a deux ans, Tim Wellens rayonnait en exposant ses ambitions au départ de son tout premier Tour de France.  » Ça fait longtemps que j’attendais ce moment « , nous disait-il à la veille du Critérium du Dauphiné, où il avait mis la dernière main à sa préparation. Après avoir terminé deux fois deuxième d’étapes du Giro en 2014, il voulait poursuivre sur sa lancée  » mais avec une première place, cette fois « , disait-il. Le moins qu’on puisse dire est qu’il a échoué puisque son meilleur résultat fut une 76e place.

Après une année d’absence (l’an dernier, il a disputé pour la deuxième fois le Tour d’Italie et a remporté une étape en démonstration), Wellens revient sur la Grande Boucle. Bien que, la dernière fois, ont l’ait condamné pour ses déclarations téméraires, il reste audacieux.  » Je reviens au Tour pour gagner une étape « , dit-il.

 » J’ai évolué en tant que coureur et en tant qu’homme  »

Vos prestations au cours des premiers mois de la saison justifient votre discours ambitieux. Vous avez remporté deux étapes du Challenge Majorque, une étape de la Ruta del Sol et vous avez terminé troisième des Strade Bianche. A quoi était dû cet excellent départ ?

TIM WELLENS : J’ai passé un super hiver. Comme je suis parti habiter à Monaco, j’ai pu m’entraîner chaque jour au soleil et travailler différemment. Quand on reste en Belgique, on part une semaine en stage puis, quand on revient, il pleut et il neige. C’est une grande différence.

Il y a deux ans, pourtant, vous déclariez à ce magazine :  » Je crains de ne pas pouvoir vivre loin de ma famille et de mes amis. Je fais beaucoup pour le cyclisme mais il faut que la vie reste agréable.  »

WELLENS : J’ai évolué. En tant que coureur et en tant qu’homme. Avant, je supportais mal de passer deux semaines à l’hôtel lors des classiques ardennaises alors que j’étais si proche de chez moi. Aujourd’hui, je trouve ça tout à fait normal. Monaco est un endroit bien plus agréable que je ne le pensais et je n’y trouve que des avantages pour ma carrière.

Des avantages sportifs et financiers.

WELLENS : J’avais peur qu’on dise que j’avais fait ce choix pour des raisons fiscales. C’est pourquoi mes parents, qui sont indépendants et exploitent un magasin de cycles, étaient contre mon déménagement. Mais je ne vais pas vivre ma vie en fonction de ce que les gens pensent. Et finalement, il s’est avéré que mes craintes n’étaient pas fondées car ce choix a été peu critiqué.

Vous venez de dire qu’à Monaco, vous pouvez vous entraîner différemment. Vous avez un exemple concret ?

WELLENS : Dans les Ardennes, on ne trouve pas de côtes de vingt minutes. À Monaco, oui. J’ai donc pu m’entraîner à fournir des efforts plus longs et je constate que j’arrive à faire des choses que je ne parvenais pas à faire l’an dernier. Avant les Jeux olympiques, déjà, je m’étais entraîné à développer beaucoup de watts pendant trois fois vingt minutes. Bien souvent, je n’arrivais pas à terminer la dernière série. Aujourd’hui, j’y parviens sans problème. De plus, j’ai fait moins d’exercices de stabilisation à l’intersaison. L’an dernier, j’étais plus lourd, notamment parce que le haut de mon corps est assez musclé. Pour un coureur, ce n’est pas nécessaire. Je continue à faire certains exercices de stabilisation pour éviter les blessures mais je ne travaille plus le haut du corps. J’ai gagné un kilo.

 » Quand on commence à voir mes veines, c’est mauvais signe  »

Un kilo ? Le poids a tellement d’importance pour vous ?

WELLENS : Moins que pour les coureurs qui visent le classement final et qui, eux, comptent par 100 grammes. Moi, je dois surtout veiller à rester au poids. Je ne peux pas trop maigrir non plus. C’est ce qui s’était passé avant le Tour 2015 et j’avais perdu beaucoup de force. L’idéal serait de perdre un peu de poids tout en gardant ma puissance. L’an dernier, au départ du Tour de Pologne, un équipier m’a dit que je n’avais pas l’air très affûté. Je lui ai répondu que c’est dans ces moments-là que je roulais le mieux. Et j’ai gagné la course ! Quand on commence à voir mes veines sur les jambes, c’est mauvais signe.

À la Ruta del Sol, vous vous êtes imposé au sprint. Vous avez aussi travaillé votre vitesse ?

WELLENS : Non, j’ai tout simplement progressé. Quand on a de bonnes jambes, on est plus frais dans la finale et on sprinte plus facilement. C’était mon meilleur sprint de tous les temps : une puissance maximale sur 10 secondes. Cet hiver, j’ai battu presque tous mes records personnels. Ma puissance maximale sur deux et cinq minutes, par exemple. Cela prouve que je suis plus fort.

Tim Wellens a remporté cette année la cinquième étape de la Ruta del Sol. Mais ce sont les classiques ardennaises, surtout, qui le font rêver.
Tim Wellens a remporté cette année la cinquième étape de la Ruta del Sol. Mais ce sont les classiques ardennaises, surtout, qui le font rêver.© tim de waele

Il y a peu, lors d’une interview, vous avez déclaré que la Flèche Wallonne était la classique qui vous tenait le plus à coeur et Liège-Bastogne-Liège, celle dont vous rêviez. Vous dites avoir progressé mais vous n’avez toujours pas réalisé de bon résultat dans les classiques wallonnes. À cause de quoi, selon vous ?

WELLENS : Pourtant, j’y ai souvent eu de bonnes jambes mais il va encore falloir que je progresse ou que j’aie un peu plus de chance. Avant, à la Flèche Wallonne, je jouais la carte de l’offensive. Cette année, j’ai attendu le Mur de Huy pour voir où j’en serais mais j’avais déjà gaspillé trop d’énergie avant l’ascension finale. Il m’aurait fallu un équipier supplémentaire dans la finale mais je ne veux pas me servir de ça comme excuse. J’aurais peut-être gagné quelques places mais cela ne m’aurait pas permis d’être sur le podium ni même dans le top 5.

Vous allez continuer à miser sur ces courses à l’avenir ?

WELLENS : Je continuerai à privilégier la formule actuelle : je veux disputer au moins un grand tour par saison car, quand on en sort, on a beaucoup plus de chances de gagner une autre course. J’essayerai de gagner au moins une étape à chaque fois. Les classiques restent mes courses favorites et j’espère y obtenir des résultats à l’avenir. Enfin, je veux remporter plus de courses à étapes d’une semaine comme l’Eneco Tour, le Tour de Pologne et, pourquoi pas, Paris-Nice.

 » Qu’y a-t-il de mal à exprimer ses ambitions ?  »

Parlons de ce premier objectif : les grands tours. Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné au Tour de France, il y a deux ans ?

WELLENS : C’était la première fois que je partais en stage en altitude et j’y ai travaillé trop intensément. C’était nouveau mais j’ai retenu la leçon. Cette fois encore, je repartirai mais différemment, sans exagérer.

Vous vous étiez mis trop de pression ?

WELLENS : On m’a beaucoup critiqué parce que j’avais dit avant le départ que je voulais gagner une étape mais qu’y a-t-il de mal à exprimer ses ambitions ? Quand on est en forme, on obtient de bons résultats, quelle que soit la pression. Ce n’est donc pas à cause de ça que je me suis planté.

Vous avez été longtemps déçu après ce Tour manqué ?

WELLENS : J’étais très déçu parce que j’avais tout fait pour que ça se passe bien mais j’ai vite fait la part des choses. Pendant le Tour, déjà. J’ai tenté d’aider l’équipe au mieux. André Greipel a remporté quatre étapes, cela m’a aidé à avaler ma déception personnelle. Je me suis demandé si je ne ferais pas mieux d’abandonner mais, sur la fin, je me sentais mieux. Cela valait la peine d’aller jusqu’au bout. Je l’ai prouvé en remportant la dernière étape et le classement final de l’Eneco Tour, trois semaines plus tard. Mais je dois admettre que je n’ai pas pris beaucoup de plaisir au Tour. Je préfère le Giro car les Italiens sont plus passionnés par la course.

Pourquoi alors disputer le Tour cette année ?

WELLENS : Parce qu’il s’agit d’une course plus importante. Si tu gagnes une étape au Tour, ta carrière est déjà pratiquement réussie. Ma victoire au Giro était très belle mais pas inoubliable.

Le parcours a-t-il également joué un rôle dans votre choix ? Lors de la présentation, Marc Sergeant, le manager de votre équipe, a déclaré qu’avec un tel parcours, vous ne pourriez que prendre goût au Tour.

WELLENS : C’est vrai, cette année, le Giro était très dur. Le parcours en France me plaît plus et ça a certainement influencé ma décision.

 » Je n’ai pas le corps pour rivaliser avec les grimpeurs  »

Qu’est-ce qui vous permet de dire que vous serez meilleur qu’il y a deux ans ?

WELLENS : J’ai tiré les leçons des erreurs commises lors du stage en altitude en 2015. Je me sentirai donc mieux au départ. La pression sera toujours la même car je veux toujours remporter une étape. Avant même que je ne dispute mon premier grand tour, on me considérait comme un coureur de tour. Mais je n’ai jamais lutté pour un bon classement et cela fait longtemps que je n’ai plus cette ambition. Je n’ai pas le corps qu’il faut pour rivaliser avec les meilleurs grimpeurs en haute montagne. Et je n’ai pas envie de m’accrocher chaque jour pour terminer, au mieux, dans le top 10. Mon plan, c’est de flairer la bonne échappée.

Vos équipiers Thomas De Gendt et Tony Gallopin disent la même chose. Vous définirez à l’avance celui qui sera le premier à pouvoir tenter sa chance ?

WELLENS : Au Tour, il est déjà suffisamment difficile de s’immiscer dans une échappée. Si un coureur de l’équipe en fait partie, ce sera déjà une petite victoire. Sauf dans la dernière semaine, où seuls les meilleurs émergeront. On l’a vu l’an dernier avec Thomas De Gendt. De plus, chez nous, c’est André qui a le plus de chances de remporter une étape. Il sera notre meilleur atout.

Vous devez peut-être attendre la pluie. Comment se fait-il que vous soyez si bon dans le mauvais temps ?

WELLENS : On ne peut pas dire que j’aime la pluie mais ça durcit la course et ça joue en ma faveur. Je ne supporte pas du tout la chaleur. J’ai déjà passé plusieurs examens, des tests avec prise de sel supplémentaire mais on n’a pas trouvé de solution. Mon entraîneur, Paul Van Den Bosch était déjà arrivé à la même conclusion avec Sven Nys : c’est quelque chose qu’on ne peut pas travailler à l’entraînement. La seule chose qu’on puisse faire, c’est s’acclimater.

C’est pour ça qu’au cours des derniers mois, vous êtes souvent allé au sauna ? Pour habituer votre corps à la chaleur ?

WELLENS : Il y a un sauna dans mon immeuble. D’abord, ça détend mais en plus, c’est bon pour mon problème de chaleur, même si mon entraîneur n’y croit pas trop.

Vous croyez beaucoup en lui. Pourquoi est-ce un bon entraîneur à vos yeux ?

WELLENS : Il y a beaucoup de bons entraîneurs mais la différence entre Paul et beaucoup d’autres, c’est qu’il est pratiquement un coach mental également. Et de ce point de vue, pour moi, il n’y en a pas de meilleur. Il est très impliqué auprès des coureurs. Pour moi, c’est une qualité énorme. Quand on roule moins bien, il fait tout pour trouver une solution et ça l’empêche de dormir. Un coureur a besoin de se sentir entouré par des gens qui compatissent. Je suis très heureux de pouvoir compter sur lui.

PAR ROEL VAN DEN BROECK

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