Neuvième étape: Nantua – Chambéry

Une étape-reine après une semaine ? Dans le Jura ? Les amateurs d’ascensions mythiques ne seront pas d’accord mais sur base du degré de difficulté de ces cols inconnus, cette étape surpasse toutes les traversées des Alpes et des Pyrénées.

Les chiffres sont éloquents : le trio de cette étape, Col de la Biche/Grand Colombier/Mont du Chat, atteint 2.700 mètres de dénivelé en 27,7 kilomètres d’ascension alors que le trio alpestre Col de la Croix de Fer/Télégraphe/Galibier, prévu pour l’étape 17, affiche 3.340 mètres en 49,6 kilomètres, soit seulement 640 mètres de plus en 22 kilomètres supplémentaires. Les moyennes du Col de la Biche (9 %, 10,5 km), du Grand Colombier (9,9 %, 8,5 km) et du Mont du Chat (10,3 %, 8,7 km) ont des allures d’Angliru, l’ultra difficile col des Asturies. Au Mont du Chat, la pente fait même 12 % pendant trois kilomètres, avec un pic à 15 %. Au Grand Colombier, il y a encore trois kilomètres à respectivement 11,5 %, 14,5 % et 12,5 %, avec un maximum de 22% ! Ça fait partie des plans de Christian Prudhomme qui, dans la foulée du Giro et de la Vuelta, est parti à la recherche de montagnes inconnues et très raides. D’autres suivront.

Autre fait saillant : il n’y a que trois arrivées en montagne dans cette édition et autant d’arrivées à l’issue d’une descente, comme dans cette étape. Prudhomme espère ainsi briser le catenaccio de Sky. Ce n’est pas un hasard si Chris Froome a dit que son train – Poels, Nieve, Thomas et Cie – ne sera pas utile dans cette étape. Sur des tronçons à 10 % et plus, prendre la roue d’un autre ne sert pas à grand-chose.

UN AUTRE CHAT

Malgré un début corsé (3,2 km à 7,2 % et 13 km de faux-plat), peut-être assorti d’un florilège de démarrages, des oeuvres des grimpeurs de deuxième catégorie, suivi par le Col de la Biche et le Grand Colombier, les favoris ne vont probablement pas en découdre avant le Col du Chat, repris dans le récent Dauphiné. Chat ne fait pas allusion à un félin mais au chas de l’aiguille, à cause de la forme du massif.

Les favoris en jambes sont confrontés à un obstacle de taille : les 40 kilomètres dans la vallée précédant le Mont du Chat. Aussi tôt dans le Tour, personne n’osera lancer une offensive au Grand Colombier. Ou alors, toute une équipe devra s’y mettre mais même ainsi, l’arrivée est encore loin : au sommet du Col du Chat succède une descente très raide et technique de 14 kilomètres plus douze kilomètres de plat jusqu’à Chambéry, qui accueille l’arrivée du jour.

C’est le port d’attache d’AG2R, l’équipe de Romain Bardet. C’est là aussi que le chouchou français a été formé, comme membre du Chambéry CF. Les coureurs passent même devant la maison du manager Vincent Lavenu… C’est donc le jour de Bardet.

LE NON DE MERCKX

Le Grand Colombier et le Mont du Chat ne sont pas vraiment neufs : le premier a été gravi dans les éditions 2012 et 2016 mais d’une autre face, et le second a été au menu 1974. Cette montée était alors classée deuxième catégorie. C’est qu’on n’a introduit le concept de hors-catégorie qu’en 1979. En plus, à l’époque, l’organisation cataloguait les cols en fonction de leur altitude. Or, le Mont du Chat culmine seulement à 1.310 mètres. Il n’en est pas moins raide.

En 1974, Eddy Merckx, qui portait le maillot jaune mais souffrait d’un kyste aux fesses, y a connu un moment difficile : Gonzalo Aja a accéléré, imité par RaymondPoulidor. Au sommet, l’Espagnol comptait 31 secondes d’avance sur le Français, une minute 45 secondes sur Merckx, Agostinho et Martinez. Le Bruxellois a refait son retard dans une descente hallucinante et, dans la vallée, il a tendu la main à Gonzalo Aja, pour le féliciter de sa performance en montée. L’autre a demandé :  » Je peux gagner ?  » Le Cannibale, résolu :  » Non, non ! « , faisant ainsi honneur à son surnom. Merckx a aisément remporté le sprint final à Aix-les-Bains.

Le soir, Gonzalo Aja a remercié le Belge : celui-ci l’avait approvisionné au Mont du Chat, après un passage à sa voiture suiveuse, alors que son rival, cinquième au classement, n’avait plus ni eau ni nourriture ? Merckx lui a répondu :  » Je préfère gagner en étant le plus fort, pas parce qu’un autre n’avait pas assez à manger.  »

Sur base du degré de difficulté des cols, cette étape surpasse toutes les traversées des Alpes et des Pyrénées.

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