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Le maillot du meilleur grimpeur était à l’origine un maillot de pistard

Le maillot à pois rouges qui distingue depuis quarante ans le meilleur grimpeur du Tour de France doit son dessin et ses couleurs à un… pistard d’avant-guerre, Henri Lemoine, et non à la firme qui parrainait le classement comme une légende tenace l’affirme.

Pierre Carrey, dans un livre (Maillot à pois) qui dresse les portraits des lauréats et raconte « les batailles et les trahisons à travers les sommets », rapporte la naissance de cette tenue, due à Félix Lévitan qui était à l’époque codirecteur du Tour avec Jacques Goddet.

Si le Grand Prix de la Montagne a été lancé dès 1933, le port d’un maillot distinctif est décidé en 1975 à la demande du commanditaire de ce classement, le Chocolat Poulain, qui réclame « une meilleure exposition ». Jusqu’alors, le leader devait se contenter d’une pastille rouge sur sa tunique.

« Il y a eu débat sur la couleur, se souvient Albert Bouvet, alors responsable des parcours. J’imaginais un maillot montrant les hautes cimes du Tour de France comme le Galibier où se trouvait le monument Henri-Desgrange (fondateur de la course). » Mais Félix Lévitan avait « à coeur de marquer le souvenir de la paire d’américaine Lemoine-Guimbretière ». Journaliste à ses débuts, le codirecteur du Tour avait en effet consacré un article au pistard Henri Lemoine intitulé « Hommage à un grand champion ».

« Non, vraiment, Henri Lemoine ne jouit pas de la popularité qu’il mérite! (…) Il n’est ni Adonis ni Petrone: il est Lemoine tout simplement, un petit bonhomme haut comme trois pommes, qui accomplit son travail avec une belle conscience, mais modestement, sans rechercher les effets », écrivait-il.

« P’tit pois » Lemoine

A l’époque, Lemoine (né en 1909) s’était inspiré des champs de course et des casaques des jockeys pour concevoir sa tenue de piste à pois. Sélectionné aux JO d’Amsterdam 1928, il devait ensuite s’illustrer surtout dans le demi-fond, la course derrière moto, une discipline très populaire jadis.

Blessé pendant la Seconde Guerre mondiale et fait prisonnier, « P’tit pois » (son surnom) poursuivit sa carrière jusqu’à 48 ans.

Après son arrivée sur les routes en 1975, le maillot à pois devint très vite populaire au point que Poulain, dont les boîtes affichaient initialement un rond bleu sur fond orange, changea rapidement ses publicités.

Il fut porté pour la première fois par le Néerlandais Joop Zoetemelk, le 27 juin 1975, presque sans le vouloir. Au sommet de la très modeste côte de Bomerée, à la sortie de Charleroi, Eddy Merckx coupa son effort à 50 mètres de la banderole, afin de programmer une attaque plus loin sur le parcours. « Je suis passé le plus facilement du monde », reconnut Zoetemelk. Merckx, le plus grand champion de l’histoire, n’allait jamais endosser ce maillot.

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