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Le calvaire du Tour de France d’antan raconté sur scène

C’est un grand reportage qui a révélé pour la première fois au public en 1924 les souffrances des cyclistes du Tour de France, exposant le « calvaire » de ces « géants de la route » qui couraient comme des « brutes ».

Neuf décennies après la publication des « Forçats de la route » d’Albert Londres, ce texte incontournable de la littérature sportive est transposé à la scène au Studio Théâtre de la Comédie française. Un hommage nostalgique et émouvant aux premières années de la course mythique, avec ses splendeurs et ses misères, dans un spectacle conçu et interprété par le comédien français Nicolas Lormeau.

« Ce sont des surhumains », affirme à l’AFP le metteur en scène et acteur qui campe le célèbre journaliste, seul sur scène, jusqu’au 11 mars. « Ils pédalaient 20 heures de suite et faisaient 24 km/h de moyenne (contre près de 40 actuellement). C’est de la folie ».

Le comédien fait revivre pendant une heure et demie le journaliste en train de dicter son texte au journal Le Petit Parisien depuis une chambre d’hôtel.

Pour Nicolas Lormeau, « c’est un texte génial qui sort de l’ordinaire (…) plus proche d’un roman où on s’attache aux personnages », comme le cycliste Archelais « qui souffre tellement qu’il pleure comme un gosse » ou son concurrent Frantz « insolent de puissance ». L’idée du reportage était « de passionner des gens qui ne s’étaient jamais intéressés au sport de leur vie », ajoute-t-il.

Mais la pièce est surtout un rappel saisissant des conditions inhumaines des cyclistes d’alors qui « se sont battus avec la route ». « Les batailles avaient lieu en pleine nuit, au petit matin, sous le coup de midi, à tâtons, dans le brouillard qui donne des coliques, contre le vent debout qui couche (les cyclistes) de côté, contre le soleil qui voulait (…) les assommer sur leur guidon ».

A travers les Alpes, les Pyrénées, les Vosges, « ils ont dû affronter d’immenses copeaux de poussière », « les yeux brûlés », la bouche desséchée » et « quand il faisait trop froid ils s’entouraient le ventre de vieux journaux ». Autour d’eux, l’engouement des Français dès les premières décennies, avec « la marche de tout un peuple passionné qui suivait les coureurs d’un pas olympique ».

– ‘Nous marchons à la dynamite!’ –

La pièce témoigne aussi des changements drastiques entre la course d’alors et celle d’aujourd’hui.

Sur une carte de France, le personnage d’Albert Londres marque au feutre les différentes étapes de la « Grande Boucle »: à son époque, le Tour de France était un véritable tour de la France, avec 5.425 km parcourus tout le long des frontières de l’Hexagone. Depuis 1957, les éditions sont organisées sur un circuit beaucoup plus court, avec 3.535 km actuellement, plus à l’intérieur du pays.

Et surtout, « ils n’avaient pas de dérailleur! », précise Nicolas Lormeau. En 1924, les cyclistes « vont tous lentement, mais tête baissée, tel un boeuf qui s’apprête à recevoir le coup du boucher », si bien que « les muscles de leurs cuisses grincent », écrit Albert Londres.

La question du dopage était déjà présente. Sur scène, Nicolas Lormeau se glisse quelques minutes dans la peau des frères Pélissier, stars du Tour de l’époque, qui déclarent sans fard détenir de « la cocaïne pour les yeux », « du chloroforme pour les gencives » mais aussi des « pilules ». « Bref!, nous marchons à la ‘dynamite' », dit Francis Pélissier.

Le Tour de France a été terni par les affaires retentissantes de dopage, de l’affaire Festina en 1998 à la chute de Lance Armstrong, déchu de ses sept Tours de France.

Pour Lormeau, « ce qui reste d’actualité, c’est l’aventure… on a toujours besoin de héros ».

Des héros certes, mais pas des victimes, écrivait Albert Londres. « Les coureurs ne sont pas des taureaux, il ne doit pas y avoir tentative de mise à mort à la fin du spectacle ».

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