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Valeriy Brumel, le conquérant fauché en plein vol

Au plus fort de la conquête spatiale et de la rivalité Est-Ouest, le Soviétique Valeriy Brumel a été beaucoup plus que champion olympique du saut en hauteur en 1964 à Tokyo, un précurseur foudroyé en plein vol à 23 ans dans un accident de moto.

D’ailleurs trop forte est l’attraction pour se priver d’une comparaison avec son compatriote Youri Gagarine, premier homme dans l’espace et mort dans le crash de son avion de chasse à 34 ans.

Même sourire éclatant que le cosmonaute, mais plus élancé, tout en muscles déliés, bondissant -« On aurait dit un danseur étoile du Bolchoï », a écrit un historien du sport-, Brumel a participé à sa manière à la conquête des étoiles, à l’âge d’or de l’athlétisme.

Même la Sibérie de sa naissance, aux confins avec la Chine, qu’il quitta enfant pour s’installer en Ukraine avec sa famille, a contribué à la légende.

Inoubliable autant que brève fut l’escalade de cet ambassadeur de charme de la propagande soviétique, jamais dupe du rôle qu’on lui faisait jouer. Six records du monde en deux ans firent progresser la marque planétaire de la hauteur de 2,23 m à 2,28 m.

Celle (2,26 m) établie le 22 juillet 1962 au Stanford Stadium de Palo Alto, en Californie, lors de la rencontre Etats-Unis/URSS, est gravée dans le marbre. Quelque 80.000 spectateurs, qui jusqu’à ce moment de grâce vociféraient leurs encouragements aux seuls athlètes américains, furent saisis de silence puis explosèrent en une standing-ovation de cinq minutes. « Je fus alors comblée d’une joie inexprimable », se rappelait Brumel.

Ses duels, tous gagnés, avec John Thomas, son prédécesseur sur les tablettes du record du monde, sont restés dans la mémoire du Madison Square Garden de New York.

Accident et opéra

C’étaient les beaux jours et la belle vie. Mais Brumel croisa le chemin de Tamara Goliaitkova. La jeune femme pilotait la moto de compétition sur laquelle Brumel avait pris place cette nuit tombante d’octobre 1965, sur la chaussée mouillée d’un boulevard moscovite. Mais elle en perdit le contrôle…

Le champion olympique, la jambe droite disloquée, subit une vingtaine d’opérations. Jamais il ne retrouva ni la vitesse, ni la puissance de l’envol – entrenue par une préparation minutieuse aux haltères-, ni encore la légèreté au-dessus de la barre.

Brumel perdit aussi l’affection de sa première femme, une gymnaste, trahie par cette escapade à moto. Il se remariera deux fois, et écrira même un opéra sur sa vie.

Mais tout n’était que subterfuge depuis qu’on l’avait privé de ses ailes. Et la mort vint le libérer de ce mauvais rêve dans sa 61e année.

Sans l’accident de Brumel, l’Américain Dick Fosbury, champion olympique en 1968 à Mexico avec 2,24 m, n’aurait probablement pas breveté sa nouvelle technique de saut.

Comme un tribut au malheur romantique, les successeurs de Brumel sous les maillots soviétiques, russes ou d’autres ex-républiques de l’ancien Bloc de l’Est se sont inspirés de son détachement fataliste, de ce sourire de défi. Jusqu’à Vladimir Yashchenko, gueule d’ange à la Jim Morrisson et prodige venu lui aussi d’Ukraine. Yashchenko, l’héritier et le dernier grand « ventraliste » (record du monde à 2,35 en salle en 1978), mort de cirrhose à 40 ans, en 1999.

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