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Special Olympics, les jeux du coeur

Matthias Stockmans
Matthias Stockmans Matthias Stockmans is redacteur van Sport/Voetbalmagazine.

Samedi, les European Summer Games des Special Olympics débutent à Anvers. Ces Jeux sont réservés aux personnes diminuées mentalement. 58 pays ont envoyé une délégation et plus de 2.000 athlètes vont se produire. Parmi eux, cinq Belges spéciaux, uniques à leur façon. Rencontre.

CHRISTIAN LECLERC (52 ANS) – TENNIS DE TABLE « Le ping-pong est une revanche sur mon enfance. »

« Au début, je jouais au badminton. J’ai gagné une dizaine de médailles mais un moment donné, faute de trouver suffisamment d’adversaires, je suis passé au tennis de table, un sport que j’ai pratiqué depuis l’enfance. A l’époque, une affiliation dans un club était trop chère pour mes parents.

Entre-temps, j’ai gagné cinq médailles d’or en ping-pong. J’en suis fier mais malheureusement, elles ne sont pas en or véritable. Sinon, mes problèmes financiers seraient immédiatement résolus. (Rires)

Je rêve de devenir un jour aussi bon que Jean-Michel Saive. J’ai récemment joué contre lui. Il a apprécié mon style et il a dû s’y mettre sérieusement. Saive est très sympathique, simple et modeste. Très différent de certains autres. J’essaie de surveiller mon comportement, même si je ne supporte pas la défaite. Je veux être le meilleur.

Mon club et mes amis pensent que je vais encore gagner une médaille d’or. Je dois veiller à ne pas afficher de stress car ça donne confiance à l’adversaire. Pourtant, je suis nerveux. Le 13, quand les Olympics vont débuter, l’adrénaline va affluer dans mes veines. C’est pour des tournois pareils que je m’entraîne. J’espère pouvoir encore jouer à l’étranger, en Chine ou aux Etats-Unis. Encore qu’en Chine, je serais sans doute trop vite éliminé.

Le ping-pong est ma deuxième vie, une revanche sur ce que j’ai vécu pendant mon enfance. Non que j’aie beaucoup souffert de mon handicap mental mais… le tennis de table et les Special Olympics constituent une manière de montrer – aux autres – ce dont nous sommes capables. »

MIEKE DE MOT (29 ANS) – NATATION (400 ET 200 MÈTRES NAGE LIBRE) « Je doute plus de moi quand je ne peux pas nager. »

« Je nage depuis mes huit ans. J’ai combiné la natation avec l’escalade mais c’était trop. Au début, je m’adonnais surtout au sprint mais maintenant, je me concentre sur les plus longues distances. J’ai gagné l’or en 400 mètres crawl à Shanghai. J’aimerais remettre ça mais je ne connaîtrai mes adversaires et leur force réelle que le jour même. Nous sommes réparties en catégories et je suis toujours parmi les meilleures.

Le fait que l’épreuve ait lieu au pays la rend encore plus spéciale. Ma famille et mes amis vont pouvoir venir m’encourager. Je ne pense pas que je jetterai un coup d’oeil aux tribunes avant la course car voir les supporters me rend nerveuse. Après, je leur ferai peut-être signe en sortant du bassin.

J’ai déjà eu plusieurs blessures et quand je suis au repos, la natation me manque terriblement. Je doute davantage de moi. J’ai tendance à penser que les autres sont meilleures ou à me demander si je vais réussir. La natation et les Special Olympics m’ont permis de me faire beaucoup d’amis. Même une fille qui est meilleure que moi est devenue une bonne copine.

Je rêve de pouvoir me rendre aux jeux mondiaux aux Etats-Unis l’année prochaine. Je n’y suis encore jamais allée mais on ne sélectionnera que quatre nageuses. Nous ne sommes pas jugées sur nos prestations : nous devons surtout prouver que nous sommes capables de tirer notre plan. J’ai pour moi l’expérience de Shanghai mais peut-être voudra-t-on offrir sa chance à quelqu’un d’autre. On verra… Y penser maintenant n’a aucun sens : avant, il y a Anvers. »

MICHELINE VANHEES (50 ANS) – NATATION (25 ET 50 MÈTRES PLUS RELAIS) « Les Special Olympics sont mon deuxième foyer. Sans eux, je n’ai plus rien. »

« Je participe aux Special Olympics depuis trente ans, dans pas mal de sports : gymnastique, bocce (une sorte de pétanque, ndlr), cyclisme et, ces dernières années, natation. Je suis devenue entraîneur adjoint en natation. Je donne cours aux petits. Les Special Olympics sont mon deuxième foyer. Sans eux, je n’ai plus rien.

Ma famille ne m’a jamais soutenue. Ma mère est décédée. J’ai deux frères et une soeur. Nous n’avons guère de contacts. Il n’y a pas que le grand public qui est important pour le développement des Specials. Les parents jouent un rôle considérable. Il faut qu’ils aient la volonté de participer. Souvent, ils sont trop protecteurs.

Avant, je fréquentais des clubs de natation normaux mais je n’étais pas acceptée. On ne me sélectionnait jamais pour les compétitions car je n’obtenais pas le niveau requis. C’est comme ça que je me suis retrouvée en Specials. Mon premier tournoi se déroulait aux Pays-Bas. Depuis, je suis souvent allée à l’étranger, aux Etats-Unis surtout. Ce sont les plus chouettes déplacements. L’ambiance est totalement différente. Ils se comportent normalement avec les handicapés. Ici, en Belgique, seuls les Paralympiques comptent. Nous essayons de faire comprendre au public que les Specials sont différents, pour attirer autant de spectateurs qu’aux USA.

En trente ans, j’ai constaté peu d’évolution dans l’approche des handicapés mentaux. Nous sommes des gens comme les autres. Simplement, nous avons une limite. Entre athlètes, nous n’effectuons pas de différence entre les différents niveaux, nous formons une grande famille et c’est pour ça que les Specials sont si importants pour moi : je siège aux Olympics belges et européens ainsi qu’à la commission des athlètes. C’est toute ma vie. »

SALWA FELLAH BOUGHABA (15 ANS) – GYMNASTIQUE ARTISTIQUE « Je voudrais passer à la gym rythmique. En musique. Et gagner des médailles. »

Salwa : « Je fais la poutre, le saut et surtout les exercices au sol. Ce sont mes préférés à cause de la musique. »

Sa mère : « Avant, elle pratiquait la danse mais il y avait peu d’écoles adaptées à Bruxelles. »

Salwa : « J’ai déjà gagné beaucoup de médailles. Je m’entraîne tous les samedis. Heureusement, Brigitte, mon coach, m’aide. Elle me tient pendant le saut car je suis souvent tombée, heureusement sans me faire vraiment mal.

Mes médailles sont à la maison. J’en ai gagné trois à Athènes en 2011 : une d’or à la poutre et deux de bronze. J’avais douze ans et j’étais une des plus jeunes. On m’a applaudie. La victoire me donne des ailes. J’espère que je gagnerai à Anvers aussi. Je ne ressens aucun stress, aucune crainte. Je suis toujours calme, même quand mes parents et mes soeurs sont dans le public.

Je suis récemment allée en Grèce pour porter la flamme, en tant qu’ambassadrice de ces Jeux. C’est un honneur, même si je n’aime pas l’avion. En fait, le décollage et l’atterrissage ne me plaisent pas.

En gym, je suis souvent seule. Je ne connais pas beaucoup d’autres filles. »

La mère : « La gym l’a quand même ouverte. Avant, elle était très timide. »

Salwa : « Je ne m’intéresse pas vraiment à d’autres sports. Je veux donc pratiquer la gym artistique le plus longtemps possible et, qui sait, la rythmique. En musique. Et y gagner des médailles. C’est mon grand rêve. »

CHRISTOF SWAENEPOEL (42 ANS) – TENNIS DE TABLE « J’ai joué contre Jean-Michel Saive : super. »

Christof : « Le Club Bruges, Ferrari, Michael Schumacher et James Bond. (Il montre les postes ornant sa chambre.) Ce sont mes héros. »

Christine, sa mère : « Il a pleuré en apprenant l’accident de Schumacher. Plusieurs athlètes des Olympics ont été invités à monter sur le terrain avant le match Club Bruges-Anderlecht. Une superbe expérience. C’était la première fois qu’il voyait le stade. Monsieur, vous n’imaginez pas tout ce que nous avons vécu ces dernières semaines, grâce à la campagne sur les Special Olympics. Christof mais nous aussi. Nous sommes des gens simples, nous n’avons pas d’argent à offrir mais tout ce que nous pouvons faire et l’attention dont nous bénéficions sont impayables. »

Christof montre fièrement un film de la parade à Bruges : « Super ! » Puis il pointe du doigt Rob Vanoudenhoven , le parrain de ces Special Olympics, qui a donné le coup d’envoi. « Ah, c’est mon pote ! »

Christof : « J’ai déjà gagné beaucoup de médailles. La plus spéciale est celle que j’ai récemment enlevée contre Koen. »

Christine : « Koen est en fait un rien meilleur que Christof. Il n’a jamais cru pouvoir le battre mais il a eu un déclic. »

Christof : « Je joue au ping-pong depuis 2000. Avant, je faisais de la natation mais nous étions trop nombreux. J’ai dû beaucoup m’entraîner en ping-pong. Au début, c’était très dur mais ça va mieux. Récemment, j’ai eu l’occasion de jouer contre Jean-Michel Saive : super ! »

Christine : « Le tennis de table n’est pas évident pour les personnes atteintes du syndrome de Down car il requiert beaucoup de coordination et de tactique. Par exemple, il ne distingue pas la gauche de la droite. Nous avons résolu le problème en posant un objet à chaque coin de la table, comme un livre ou un essuie. Quand, du public, nous faisons un geste ou crions le nom de l’objet, il sait quel coin il doit viser. »

Christof : « Je veux gagner une médaille d’or à Anvers et continuer à jouer au ping-pong… le reste de ma vie. »

Les Special Olympics se déroulent à Anvers du 13 au 20 septembre et les places sont gratuites. Pour toute info sur les sites, les athlètes et le programme, consultez www.so2014.com. Les athlètes dont nous parlons sont également présentés dans une séquence de promotion sur le site www.sportmagazine.be.

PAR MATTHIAS STOCKMANS

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