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Pierre Quinon, « l’arc-en-ciel » absolu de la perche française

Un arc-en-ciel, à six mètres de hauteur: Pierre Quinon fût le premier perchiste de l’histoire à tenter cette barre mythique, et le premier Français champion olympique de la discipline, en 1984, un « athlète absolu » au destin tragique, disparu à 49 ans en se défenestrant.

« Quinon c’était un type d’absolu. Il sautait d’une manière absolue, totale. Et dans la vie, il était à la recherche d’autres absolus ». Jean-Claude Perrin, son entraîneur, en parle encore avec beaucoup d’émotion.

Pierre Quinon est entré dans la mémoire collective du sport un soir de 1984, à Los Angeles. Alors que le favori soviétique Sergueï Bubka n’est pas présent aux JO, victime du boycott de son pays, Quinon fait partie d’une équipe de France conquérante, dont l’école est une des valeurs sûres de la perche.

Un an plus tôt, le 28 août 1983 à Cologne, Quinon avait déjà creusé son sillon dans l’histoire en devenant le premier perchiste à tenter de franchir 6,00 m en meeting. Quelques instants plus tôt, il s’était approprié le record du monde à 5,82 m, à 21 ans seulement. Ce record tiendra trois jours, avant que son compatriote Thierry Vigneron ne le porte à 5,83 m, à Rome.

Cette école française de la perche est riche de ses personnalités. Au sein du groupe entraîné par +Bill+ Perrin, Quinon est un athlète à la fois en marge et totalement intégré.

– Intox à Los Angeles –

« C’était un garçon très agréable à entraîner quand on avait cerné sa personnalité. Sur le plan athlétique, il avait des normes exceptionnelles en vitesse et détente. Psychologiquement il était très fort et très discret, une force de caractère assez exceptionnelle pour un jeune garçon », se souvient Jean-Claude Perrin.

« Il était discret, ce n’était pas le type qui cherchait le battage médiatique, mais c’était un garçon qui vivait comme les jeunes de son temps. Il donnait le reflet d’être avec et dans son époque ». « C’était un homme qui aimait le risque, et un bon tacticien dans les concours de championnats », ajoute-t-il.

Il le prouvera le Jour J. A Los Angeles, ce soir du 8 août 1984, Quinon est d’abord en difficulté, à 5,65 m. Après un échec, il choisit de garder ses deux tentatives suivantes dans un jeu d’intox avec ses adversaires. L’Américain Mike Tully, franchit 5,65 m au 3e essai… tandis que l’autre Américain Earl Bell et le Français Thierry Vigneron font carrément l’impasse: tous deux rateront trois fois 5,70 m, laissant Tully et Quinon seuls en piste pour l’or.

Quinon franchit alors 5,70 m au premier essai. Tully s’élance, mais rate. Il fait l’impasse, pour mettre la pression sur Quinon. Le Français ne se dérobe pas, et enchaîne au premier essai à 5,75 m. L’Américain ne s’en remettra pas, échouant par trois fois pour faire de Quinon le premier Français de l’histoire champion olympique de la perche, à 22 ans.

– Comme Nicolas de Staël –

« Il avait très bien vécu le fait d’être champion olympique. Ce n’était pas un rêve exceptionnel pour lui, mais il était très très heureux d’avoir donné son maximum pendant ces années-là. Il a vu ça comme une épopée », relate Perrin.

La suite est d’une tristesse infinie, un crève-coeur là aussi absolu.

En 1985, il porte son record personnel à 5,90 m. Mais en 1986, Quinon se fait une entorse de la cheville associée à une distension des ligaments: il ne retrouvera jamais son niveau d’excellence.

Quinon ne participera pas aux JO-1988, puis met tranquillement un terme à sa carrière, en 1993, à 31 ans.

L’ancien perchiste gagne alors sa vie dans une rôtisserie, à Hyères (Var). Mais l’homme a d’autres richesses: il se passionne pour la peinture, en particulier celle de Nicolas de Staël.

La vie fait que le noir prend de plus en plus de place dans son univers. Il choisira d’en finir en sautant par la fenêtre, un autre soir d’été, en 2011, à 49 ans. La défenestration, comme Nicolas de Staël.

« Pierre, ce n’est pas comme certains l’ont décrit, le type instable qui est passé comme une météore », veut souligner Perrin. « Non, c’était quelqu’un de très réfléchi et il a laissé dans le ciel non pas un éclair mais un arc-en-ciel. C’est ça la différence ».

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