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LE MONDE SELON FLOYD

Floyd Mayweather est venu en Belgique la semaine dernière dans le cadre de The Undefeated Tour. Moins de 17 heures plus tard, il était parti. Non sans avoir accordé trois interviews et fait la fête au Carré. Récit d’une rencontre particulièrement étrange.

17 janvier 2017. ‘Good morning to you. Floyd Mayweather is coming back to Belgium, March 12 for The Undefeated Tour.‘ Quand le manager d’une des plus grandes stars du sport mondial vous annonce cela un matin, vous ne pouvez que lui demander s’il y aura une possibilité de l’interviewer. Le lendemain, la réponse tombe :  » Of course. Send me your e-mail address. «  Est-il réellement possible de programmer une interview avec un des sportifs les mieux payés de tous les temps en trois SMS ?

Jusqu’au jour de l’interview, nous n’aurons plus la moindre nouvelle du manager. Il nous envoie alors un SMS disant :  » Come to hotel Amigo at 10.30 pm. Wait in the lobby. «  Et c’est ainsi qu’un dimanche soir, nous nous retrouvons dans le hall d’un hôtel bruxellois, à attendre le meilleur boxeur de la dernière décennie.

Le fait que cette interview avec l’homme qui, en 2012, fut condamné à 90 jours d’incarcération pour violence conjugale ait lieu à l’hôtel Amigo -l’ancienne prison de Bruxelles – est plutôt ironique. A 23h08, le show commence : deux limousines blanches arrivent sur le parking de l’hôtel. Il faudra encore patienter sept minutes avant que monsieur Mayweather en sorte pour se rendre directement dans sa chambre. ‘Mister Mayweather has to change clothes for the interview’, dit un premier manager.

Pas de panique : combien de temps faut-il pour changer de survêtement de sport et de casquette ? Entre-temps, un deuxième manager vérifie avec une précision chirurgicale notre liste de questions, pourtant approuvée à l’avance. Selon lui, le fait qu’on ait appris depuis que Mayweather allait affronter la star du MMA Conor McGregor ne pose pas de problème. Et il se fichera aussi pas mal que les questions finalement posées à la star soient totalement différentes de celles de la liste. Ce qui compte, pour lui, c’est de se sentir important.

MAYWEATHER SHOW

A 00h36, mister Mayweather entre en scène. Il aura donc mis une heure et vingt et une minutes à se rafraîchir. Floyd Mayweather Jr. – Floyd Joy Sinclair de son vrai nom – n’est pas vraiment impressionnant. L’homme qui a grandi à Grand Rapids, la deuxième plus grande ville du Michigan, est âgé de 40 ans mais sous sa casquette trop grande pour lui, il a plutôt l’air d’un écolier. Est-ce pour cela qu’il s’entoure de gardes du corps et de managers qui ressemblent à ces personnages qu’on voit dans les films de bons et de mauvais flics ? L’ambiance passe alternativement de la bonne humeur à la menace et à l’agressivité. Ici, l’improvisation règne en maître. Un regard de travers et l’interview peut s’arrêter.

Mayweather est pourtant de bonne humeur et c’est en blaguant qu’il pénètre dans le lobby. Il est avant tout venu pour remercier ses fans. Ne l’avait-il pas déjà fait la saison dernière lors de son European Victory Tour ? On pourrait se dire que ce Floyd est un gars reconnaissant mais on ne le surnommerait pas The Money Maker s’il n’utilisait pas ces séances d’autographes et actes de présence de l’Undefeated Tour pour tenter de gagner du pognon. Nous disons bien tenter car en Belgique, ce genre de tournées ne fonctionne pas. Mayweather s’accroche tant bien que mal à son statut dans l’espoir d’échapper au trou noir mais les amateurs belges de boxe ne sont pas prêts à débourser 50 euros pour faire un selfie avec un boxeur. Même pas si celui-ci est le meilleur de la dernière décennie.

Quand on lui demande son avis sur le dicton qui prétend que  » l’argent ne fait pas le bonheur « , il marque une surprise non feinte.  » L’argent ne fait pas le bonheur, dites-vous ? On n’est surtout pas heureux si on n’en a pas.  » Pour le reste, Pretty Boy Floyd semble très éloigné de la réalité. Comment pourrait-il en être autrement quand on a tellement d’argent qu’on ne pourrait pas le caser dans une chambre à coucher ? Il est pourtant, et de loin, le plus sympathique de la délégation de 18 personnes qui l’entoure : quatre gardes du corps, trois managers, quatre femmes et sept homies ne le lâchent pas d’une semelle. Comme si, à tout moment, il pouvait laisser échapper un billet de cent dollars.

PRETTY BOY

Citez le nom de Mayweather aux Etats-Unis et vous déclencherez un tsunami. En Europe, par contre, on risque de vous demander s’il s’agit d’une nouvelle star du hip hop. C’est dû au fait que la boxe reste un sport relativement marginal. D’où le besoin de super-combats qui attirent le grand public même s’ils sont tout à fait artificiels et opposent deux sportifs qui ne pratiquent pas la même discipline. Un peu comme si Sven Nys affrontait Tom Boonen au sprint sur une piste pour promouvoir le cyclisme. Car soyons honnêtes : si le combat face à McGregor a effectivement lieu, il ne s’agira de rien d’autre que d’un coup de pub qui rapportera surtout beaucoup d’argent aux deux hommes.

Sur un ring de boxe, McGregor n’a pas l’ombre d’une chance contre Mayweather. Et inversement dans un octagon, la cage à huit côtés dans laquelle on pratique les mixed martial arts (MMA). McGregor n’a pas suffisamment de technique ni d’endurance pour poser des problèmes à un Mayweather, même retraité. Celui-ci émet toutefois quelques réserves.  » Conor McGregor est avantagé. Il a onze ans de moins que moi et est toujours en activité tandis que ça fait un bon bout de temps que je suis à l’arrêt. Ça fait de lui un adversaire très dangereux.  »

Il est étonnant que Mayweather fasse preuve d’autant de respect à l’égard de McGregor car, au cours des deux derniers mois, les deux hommes ont passé beaucoup de temps à s’humilier verbalement. En fait, on a l’impression que Mayweather tente de mettre la pression sur The Notorious. Ce n’est pas pour rien qu’on le surnomme Pretty Boy. Quand on a livré 49 combats professionnels – certes scrupuleusement choisi – et qu’on n’a pas la moindre égratignure au visage, c’est qu’on est capable de boxer. A un point tel qu’aujourd’hui, il est possible de parier sur le fait que McGregor ne réussira même pas à tromper une seule fois la garde de Mayweather.

MAYWEATHER PARLE

Ah oui, on allait oublier l’interview. Il faut dire que les réponses sont à l’avenant de la tenue des babes qui accompagnent la star : très légères. Mais bon, allons-y…

Vous sortez de votre retraite parce que vous commencez à vous ennuyer ou pour donner une leçon à cet emmerdeur de McGregor ?

FLOYD MAYWEATHER : Je ne m’ennuie pas du tout. I’m living the dream, baby ! Mais il est un fait que ça fait des mois que Conor McGregor me défie de l’affronter. Eh bien, il va l’avoir, son combat. Si son patron (Dana White, le big boss de l’Ultimate Fighting Championship, ndlr ) est d’accord, du moins. C’est ça la différence : je suis mon propre boss tandis que Conor doit d’abord demander à Dana l’autorisation de m’affronter. D’autres boxeurs ou stars de la MMA ne doivent pas venir me trouver : je ne sors de ma retraite que pour affronter McGregor. Le contrat est prêt, tout est planifié (ce sera sans doute début juin 2017, ndlr) et l’endroit est choisi (la T-Mobile Arena de Las Vegas, ndlr). Maintenant, Conor doit juste encore oser signer ce contrat.

Vous pensez qu’il a peur de vous affronter ?

MAYWEATHER : Je constate simplement que Conor est du genre à aboyer beaucoup mais pas à mordre. Quoi qu’il en soit, il est évident que je suis la face A de ce combat. Je suis champion du monde invaincu dans cinq catégories. Il doit déjà être content de pouvoir m’affronter. McGregor a fait du bon boulot en UFC mais je suis le meilleur boxeur de la dernière décennie. Il est dès lors tout à fait logique que j’aie droit à la plus grosse part du gâteau (le combat devrait rapporter près de 100 millions d’euros et Mayweather veut 60 %, ndlr). Supposons qu’il me batte, alors seulement, il deviendra la tête d’affiche. C’est comme ça que ça fonctionne dans le monde de la boxe.

Vous dites  » Supposons qu’il me batte…  » mais McGregor n’a pas l’ombre d’une chance. Il ne pratique même pas le même sport que vous…

MAYWEATHER : C’est simple : je suis un battant et McGregor aussi. S’il y a de l’intérêt pour un duel entre deux hommes qui osent relever le défi, il y a combat. Ce ne sera de toute façon pas facile. Je ne m’entraîne plus depuis un an et demi et je n’ai jamais été en aussi petite forme qu’aujourd’hui. Je n’ai fait que trois rounds à l’entraînement depuis fin 2015. McGregor a perdu 3 de ses 24 combats mais à chaque fois au sol. Debout, personne ne l’a jamais battu.

L’idée de pouvoir améliorer le palmarès du légendaire Rocky Marciano (49-0) a-t-elle pesé dans votre décision ?

MAYWEATHER : Absolument pas. Rocky Marciano – paix à son âme – était un boxeur légendaire de sa génération et je suis le boxeur le plus légendaire de la mienne. Ce n’est pas un combat de prestige. Le plus grand des deux, on sait qui c’est. On va simplement offrir aux gens le combat qu’ils ont envie de voir. C’est juste du show.

Si vous pouviez choisir un adversaire, qui choisiriez-vous ?

MAYWEATHER : Conor McGregor !

Et voilà ! Le champion s’en va, entraînant dans son sillage une meute de prétendus amis et prétendantes. En route pour le Carré, où a lieu la clôture idéale de son UndefeatedTour. Son manager annonce que sa prochaine tournée aura lieu en Afrique ou en Asie. Mais avant cela, il doit remettre à sa place cet emmerdeur irlandais.

PAR KRISTOF VANDERHOEVEN – PHOTOS BELGAIMAGE

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