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Fred Kelly, de l’or olympique aux tranchées de la Somme

Survivant de la sanglante campagne de Gallipoli, en 1915, Fred Kelly n’a pas survécu aux tranchées de la Somme: huit ans après son titre olympique de 1908 à Londres, sous le drapeau britannique, ce rameur et pianiste australien était fauché par les balles allemandes.

Après son triomphe sportif, Kelly était devenu compositeur de renom, puis pianiste de concert, et enfin soldat décoré. Après avoir survécu à la sanglante campagne de Gallipoli, ou bataille des Dardanelles, qui opposa les Australiens et Néo-Zélandais à l’armée ottomane.

Mais l’assaut contre un nid de mitrailleuse allemande lui fut fatal, à l’âge de 35 ans, le 13 novembre 1916, à Beaucourt-sur-l’Ancre.

Né au sein d’une famille d’Australiens aisés, il fut envoyé à Eton à l’âge de 12 ans, pour recevoir dans le prestigieux établissement l’éducation d’un vrai gentleman anglais. Comme cela se faisait parmi les élites de l’Empire britannique. C’est là qu’il tombe amoureux de l’aviron et de la musique, rejetant l’idée que sport et art sont incompatibles.

« L’amour des sports de plein air, des sports vigoureux ou des voyages ne nuit en rien aux entreprises plus purement intellectuelles ou artistiques », expliquait-il au magazine The Sportsman en 1914.

– Les JO pour défier un rival –

C’est presque par accident qu’il participe aux JO. Quelques mois avant, il avait lu dans un journal qu’un de ses anciens rivaux serait de la partie, et il se démena pour figurer parmi les huit sélectionnés pour représenter la Grande-Bretagne.

Après sa victoire en finale des JO 1908, face à la Belgique, Kelly ne rama pourtant plus jamais en compétition, préférant se consacrer à la musique.

Lorsque éclaté la Première guerre mondiale, Kelly s’engage au côté de son ami, le poète Rupert Brooke, connu entre autres pour ses sonnets idéalistes sur le conflit. Mais Brooke est emporté par une septicémie après une piqûre de moustique infectée. Kelly porta son cercueil lors de son inhumation sur l’île grecque de Skyros.

Le musicien sert ensuite dans les rangs britanniques à Gallipoli. Blessé deux fois, il est décoré de la « Distinguished service Cross » pour « bravoure remarquable » et est parmi les derniers soldats à être évacué de la péninsule turque en janvier 2016.

Déployé ensuite dans la Somme, il décrit dans son journal les attaques au gaz et les villages en ruines, et raconte la désolation de la vie dans des tranchées « ignobles et boueuses ».

– ‘Cracher l’enfer’ –

Il raconte aussi comment il empêche un soldat qu’il avait pris en grippe de rejoindre l’arrière. Cet homme mourra de ses blessures après avoir été désigné par Kelly comme son factotum personnel.

Il y a aussi quelques touches d’humour noir: comme lorsqu’il organise une représentation de l’ouverture solennelle 1812 de Tchaïkovsky près de la ligne de front, se servant des vrais tirs d’artillerie contre les positions allemandes pour les salves de canon du célèbre final. « Nous l’avons écoutée comme Tchaïkovsky voulait qu’elle soit écoutée: toutes les armes crachaient l’enfer », a observé un soldat, cité dans une histoire du bataillon Hood publiée en 1993.

Dans son histoire de la guerre, le Balliol College de l’Université d’Oxford dit de son ancien étudiant que ses talents musicaux étaient tout juste en train de parvenir à maturité, que « seul le temps lui a fait défaut ».

Fred Kelly est en fait peu connu en Australie, peut-être parce son destin fut surtout lié à celui-de la Grande-Bretagne. « Malgré tous ses talents, être né à Sydney est peut-être la seule chose australienne qu’il ait jamais faite », écrivait ainsi l’éditorialiste Alan Ramsey en 2005 dans le Sydney Morning Herald.

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