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Athlétisme : la Russie veut naturaliser des athlètes noirs

Valentin Balakhnichev, président de la fédération russe d’athlétisme, a déclaré la semaine passée qu’il voulait naturaliser des athlètes africains pour maintenir la Russie à un très haut niveau. Une déclaration étonnante alors que, dans son pays, les immigrés africains sont les victimes quotidiennes d’un racisme ordinaire.

« Les résultats des récents Championnats d’Europe à Zurich, dominés par la Grande-Bretagne et la France, ne nous laissent plus d’autre choix« , a déclaré Balakhnichev, cité par le quotidien Novye Izvestia. « Les athlètes noirs, qui constituent l’ossature de l’équipe de Grande-Bretagne, ont apporté à ce pays 14 de leurs 23 médailles« , note-t-il. « Pendant ce temps, nous ne faisons quasiment rien pour attirer de jeunes talents noirs dans notre équipe afin de préserver notre position dominante dans ce sport, en Europe et dans le monde« , a-t-il poursuivi. « Pire, j’ai été sans cesse la cible de critiques pour mes efforts dans ce sens« . Le président de la fédération a souligné le fait que plusieurs jeunes athlètes africains étaient prêts à rejoindre l’Académie de culture physique de Volga, dans la République russe du Tatarstan, pour parfaire leur formation.

A Zurich, la délégation russe a terminé 4e au classement des médailles, avec 22 breloques à son actif. Mais seulement 3 médailles d’or ont été remportées par les Russes, contre 9 pour la France (2e) et 12 pour le Royaume-Uni (1er).

Il ne fait pas bon être noir en Russie

La démarche de Balakhnichev est d’autant plus étonnante que la Russie a été plusieurs fois le théâtre de scènes de violence contre les étrangers. Dans un sondage de janvier 2011, 56% des Russes approuvaient le slogan « La Russie aux Russes ». Le dernier rapport de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) en juin 2013 fait état de dérives de la part des autorités, des forces de police et des médias qui souvent, directement ou indirectement, favorisent un climat de violence pour la population étrangère en Russie. En 2007, toujours selon le rapport de l’ECRI, 97 personnes ont été tuées et 623 frappées en raison de leur origine ou appartenance ethnique. Les chiffres baissent d’année en année, mais l’ECRI souligne le fait que toutes les agressions ne sont pas rapportées, notamment celles contre les sans-papiers, qui risqueraient de se faire expulser du pays.Dans le domaine sportif, la Russie est effectivement souvent pointée du doigt pour des faits de racisme dans ses stades. En football, plusieurs cas de racisme ont été recensés. En 2011, le Brésilien Roberto Carlos s’était vu jeter une banane, en plein milieu du match Samara-Anji Makhatchkala. Un an plus tard, le joueur congolais Christopher Samba a subi un même jet de banane contre le Lokomotiv Moscou.

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En 2012, un groupe de supporters du Zenit Saint-Pétersbourg avait envoyé une lettre à la direction du club pour ne plus recruter de joueurs d’origine africaine. A ces évènements, il faut rajouter les nombreux cris de singe proférés par des supporters contre des joueurs de couleur.

La naturalisation, une démarche parfois nécessaire pour récolter des médailles.

En athlétisme, la naturalisation est courante. L’exemple le plus frappant est celui de Bahreïn. Le royaume compense son faible vivier national par la naturalisation massive d’athlètes d’origine africaine. Parmi les athlètes de la sélection bahreïnie, beaucoup proviennent d’Ethiopie : Bilisuma Shugi (5000m), Maryam Yussuf Jamal (médaillée de bronze sur le 1500 mètres aux Jeux Olympiques de Londres), Mimi Belete (1500m), Tejitu Daba (5000m), Lishan Dula (marathon), Shitaye Eshete (5000m et 10000m), Genzeb Shumi (800m et 1500m),… A cela, il faut ajouter des athlètes d’origine kenyanne, marocaine, nigériane,… Pour les derniers Jeux Olympiques à Londres, l’ensemble des sélectionnés de Bahreïn dans les épreuves d’athlétisme étaient naturalisés.

D’autres sélections utilisent également à outrance la naturalisation, notamment le Qatar. Contre des avantages financiers non négligeables pour ces athlètes (pension à vie, construction d’infrastructures dans leur pays d’origine, contrats de sponsoring), ces pays se créent artificiellement un vivier d’athlètes, en délaissant la formation et leur identité.

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